Emmanuel Tellier

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LES ESSENTIELS D’EMMANUEL TELLIER

Mes objets fétiches, de gauche à droite :

Guitare électrique Gretsch SilverJet, un modèle US (what else… ?) acheté au début des années 1990 à Los Angeles. J’étais là-bas pour une interview de Frank Black, au moment de la fin des Pixies. C’est la guitare dont je me servais le plus pendant les concerts de Melville… Puis, après Melville, je me suis remis au piano, qui était mon instrument d’enfance, et j’ai (plus ou moins) rangé mes guitares, mais celle-ci n’est jamais très loin.

La petite chose en plastique rouge posée sur l’extrémité gauche, au dessus du vibrato, c’est ma fille Juliette imprimée en 3D. Cadeau de sa part pour mon anniversaire (oui je sais, c’est assez original…)

Juste à côté, deux touches de piano en ivoire, qui figuraient, du temps de sa splendeur, sur le clavier d’un piano à queue sur lequel a joué David Bowie (et tant d’autres). Ce piano est une ruine aujourd’hui. Pourquoi j’ai ces touches chez moi aujourd’hui… je ne peux pas le dire ici.

Au dessus, une tasse du studio Abbey Road, souvenir de la fantastique journée passée au studio avec Fabien (Tessier) pour le mastering de notre album « Songs of popular appeal ».
Un peu plus haut, une vieille photographie ramenée d’un voyage dans le Tamil Nadu, en Inde. Un peu plus bas posé sur la table, se trouve un rickshaw en format miniature. Deux objets fétiche d’Inde, pays très représenté chez nous.

A l’angle droit bas de la photo, une pierre taillée d’Utah – une « sandstone » – trouvée à Moab, dans ce magasin extraordinaire (si vous êtes allé à Moab, vous connaissez l’endroit).

Les objets que je viens de citer (de « ma fille en 3D » à la sandstone d’Utah) figurent dans une sorte de petit musée perso posé au dessus de mon piano, chez moi. C’est mon « wonderwall » horizontal, un petit territoire de choses perso que j’aime avoir sous les yeux quand je joue.

Toujours sur cette vieille boite de jeux en bois (un jeu de construction) que j’aime aussi beaucoup, la pochette de « Rank » des Smiths en CD.  Elle est signée par un grand échalas à lunettes nommé Morrissey qui m’a juré, ce soir-là (c’était à Newcastle, backstage après un concert), avoir été le chanteur du groupe. Ne connaissant pas bien le groupe, je l’ai cru sur parole…

(Note aux neuneus : je plai-san-te, les Smiths, c’est ma vie – ou la première partie de ma vie, au minimum).

Ensuite, trois livres… Même si je ne suis pas un grand lecteur, je dévore les récits historiques, ultra-documentés, autour d’aventures et explorations (comme ce « Scott and Amundsen » vertigineux), et j’achète parfois des livres pour le graphisme de la jaquette (« Sentinels of the North Pacific » acheté en Californie) ou pour ce qu’ils représentent dans une culture spécifique (l’auteur Zane Grey, 1872-1939, héros des jeunes lecteurs américains amoureux des grands espaces). Même chose que pour les petits objets fétiche cités plus tôt : j’ai besoin d’avoir ces livres sous les yeux pour écrire des choses, sentir des mélodies, avancer dans les chansons. J’ai besoin de cet environnement visuel.

Pour finir, sur le devant : un vieux puzzle des Etats-Unis d’Amérique, déniché dans une brocante en Caroline du Nord il y a plus de vingt ans (et sans doute mon objet préféré parmi tous), et nos deux copains Haddock et Tintin, parce que c’est en dévorant les albums d’Hergé, enfant, que m’est venue le désir de voir le monde et de m’y balader dès que possible (ce que j’arrive à faire assez souvent grâce à mon métier – un privilège que je mesure chaque jour – pourvu que ça dure, inch’Allah, namaste, good night).


Emmanuel Tellier
Octobre 2017

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Mathieu Persan

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LES ESSENTIELS DE MATHIEU PERSAN

Livre /La couleur du souvenir” de Geoff Dyer
Je ne suis pas un grand lecteur. Toujours est-il que ce livre est peut-être celui qui m’a le plus touché. Sans doute parce que son propos me parlait particulièrement à l’époque où je l’ai lu.
C’est l’histoire d’une bande d’amis à Londres dans les années 80. Pas vraiment marginaux, pas voyous, mais juste inadaptés pour le monde « normal » qu’on leur propose. Je ne l’ai pas relu depuis longtemps, mais je me souviens du style particulier de Geoff Dyer, de la musique omniprésente, des images, des couleurs, de l’humour. Il a aussi écrit un autre roman, qui se passe Paris dans le XIeme arrondisement, que j’avais beaucoup aimé. Incontestablement, c’est un livre qui m’a beaucoup marqué.

Disque / The Divine Comedy – Casanova
Difficile de parler simplement de ce disque, tant Neil Hannon est une personne d’une importance capitale dans ma vie. Cela peut passer pour un propos un peu adolescent, mais ma vie n’aurait pas été la même si je n’avais pas connu sa musique.
J’ai découvert The Divine Comedy vers 18 ans, à une période où je n’étais pas très bien dans ma peau. Voir qu’un petit irlandais, composant et enregistrant ses chansons presque seul, pouvait produire une musique si brillante et capable de me parler avec tant de justesse, d’humour et d’ironie, a été une véritable inspiration.
Cette soif de reconnaissance, qu’on peut sentir dans ses trois premiers disques, cette posture de séducteur qu’il prend dans Casanova, quand il semble avoir pris sa revanche sur le monde, cet apaisement teinté de mégalomanie dans les disques suivants, m’ont poussés. Après tout, peut-être que moi aussi je pouvais faire quelque chose.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas écouté ses disques mais dernièrement, je me suis replongé dedans. L’émotion est intacte. En dehors d’avoir l’impression de retrouver une époque lointaine, j’ai à nouveau trouvé, 20 ans après, des phrases qui m’ont parlées comme jamais. Une résonance parfaite avec des événements que je vis. Je crois que Neil Hannon m’accompagnera toute ma vie. J’aimerais bien, un jour, prendre un café avec lui juste pour lui dire ça !

Audrey Hepburn
Regardez Vacances Romaines, Breakfast at Tiffany’s, Funny Face, Sabina et il n’y a pas grand chose à ajouter. Audrey Hepburn, c’est l’incarnation de l’élégance et de la bonté. A la fois, brillante à l’écran et tellement généreuse et portée vers les autres dans la vie, elle était quelqu’un de tout à fait exceptionnel. J’ai découvert ses films grâce à une chanson de The Divine Comedy (A Woman of the World sur l’album Casanova qui raconte l’histoire de Breakfast at Tiffany’s).
Toujours à cette période de pleine construction, vers 20 ans, je me souviens m’être inventé une vie. J’avais régulièrement rendez-vous avec elle. Nous allions au cinéma ensemble dans le quartier Latin regarder ses films. A l’époque, il n’y avait pas Spotify ou Deezer, et j’avais trouvé par hasard, chez un disquaire d’occasion ce disque sur lequel se trouve la version de Moon River qu’elle chante juste accompagnée d’une guitare dans Breakfast at Tiffany’s. J’avais l’impression d’être le seul au monde à posséder ce disque. En plus d’avoir Audrey au cinéma, je l’avais aussi à la maison. Le bonheur.

Ordinateur / Souris
L’élément central de mon activité aujourd’hui. Je ne vis pas de l’illustration, j’ai un travail alimentaire qui me prend beaucoup de temps. Du coup, être mobile, avoir toujours sur moi mon ordinateur, me permet de travailler à ma passion dés que j’en ai le temps. J’aime travailler dans différents endroits. C’est très inspirant. On devrait tous travailler dans des cafés, je suis sur que tout irait mieux !
J’ai une relation affective à cet objet. J’ai été élevé dans une sorte d’angoisse du lendemain, où la stabilité absolue était fondamentale. Un travail stable et « normal » étant un des éléments centraux. Mais, je n’ai jamais adhéré à ce principe ; depuis la première minute où j’ai mis les pieds dans une grande entreprise, mon souhait a été d’en sortir. Ça fait presque 15 que je me bats pour ça. Sortir de ce système aliénant et absurde.
Il y a un an, mon activité de graphisme s’est mise à me prendre plus de temps. J’ai eu besoin d’un ordinateur pour travailler entre midi et 14h, et ma mère m’a fait un gros chèque pour m’aider à le payer. Une vraie marque de confiance, qui m’a terriblement touchée et même libéré. Une façon de dire, « je te fais confiance, fonce ». Ma mère n’est plus là aujourd’hui, mais je fonce, et j’essaye de tendre vers mon idéal : ne plus dépendre d’un employeur, être indépendant, et vivre libre.

Embouchure de trompette, médiator, balais de batterie
La musique a toujours été un élément fondamental dans ma vie. Écrire des chansons, les enregistrer, les jouer sur scène, tout cela a occupé une grande partie de ma vie entre 18 et 27 ans. Sans renier ce que j’ai fait à ce moment là, il est vrai que j’ai pris beaucoup de recul par rapport à tout cela.
L’amour de la musique est toujours intact, cette passion pour les instruments, cette volonté de toujours vouloir en apprendre de nouveaux ne m’ont jamais quitté. Du coup, il y a trois ans je me suis mis à la trompette et à la batterie, pour un projet de comédie musicale. Au final, je ne maitrise aucun instrument parfaitement, très loin de là ! Mais je sais en jouer suffisamment, pour prendre du plaisir et créer ce que j’ai envie de créer.
Au final, je joue de la guitare, du piano, de la basse, de la batterie, de la trompette, de la clarinette, du sax… mais j’ai de moins en moins de temps pour m’amuser, avec tout ces jouets formidables !

Papier, crayon et café
Les illustrations, ça commence toujours par un croquis sur du papier blanc bien lisse avec un (bon) café. J’utilise des criteriums Pentel 0,7, que je charge avec des mines bleues par pur snobisme.
La phase de recherche est une des plus intéressante. On cherche, on tourne autour de l’idée, on réfléchi, c’est un vrai exercice, autant intellectuel qu’artistique. Et puis, l’avantage énorme, c’est que dessiner, on peut le faire partout, même dans l’open-space d’une société côté en bourse.
Il y a 5 ans, je ne savais absolument pas dessiner. J’ai tout appris au bureau ! Pareil avec le logiciel Illustrator, l’outil que j’utilise sur ordinateur pour faire mes images. J’ai appris sur des tutoriaux en ligne. Internet, c’est quand même formidable. Quel que soit ce qu’on veut apprendre, il y a presque toujours quelqu’un quelque part qui a écrit un article ou fait une vidéo pour expliquer comment faire !

New York
La ville qui a attisé tout mes fantasmes depuis ma tendre enfance. Jusqu’à il y a 3 ans, j’étais totalement paniqué à l’idée de prendre l’avion. Et puis, j’ai réussi à prendre le dessus.
Je me suis donc rendu à New York et que dire… Cette ville est fascinante. Une bête gigantesque en perpétuel mouvement, aussi insalubre que moderne, aussi violente que chaleureuse.
Et puis New York, pour un petit français, c’est tout l’imaginaire qui va autour. C’est se promener dans des films, vivre une autre vie. C’est l’Art Déco partout, dans les moindres détails. Une source d’inspiration infinie.

Comédie musicale (au Châtelet)
Je ne me souviens plus de la première comédie musicale que j’ai vu là-bas… Ce que je peux dire avec certitude, c’est que c’est en sortant d’un spectacle comme celui-ci, que j’ai su ce que je voulais un jour faire dans ma vie. Cette sorte d’accomplissement absolu qu’on a tous, mi-fantasme, mi-réel pour lequel on serait prêt à tout.
J’y travaille depuis 4 ans maintenant. J’ai écrit le scénario, les chansons et fait les images d’une comédie musicale illustrée qui se passe à New York dans les années 30. Je travaille avec la société de production Camera Lucida sur ce projet. Même, si le fait de monter ce projet sur scène n’est pas à l’ordre du jour, c’est un projet qui m’anime plus que tout. Si j’ai un rêve, ultime, ce serait de pouvoir m’asseoir un jour au premier rang des corbeilles, parfaitement au centre, au théâtre du Châtelet et assister à ma comédie musicale. Rêvons encore plus, Neil Hannon pourrait y tenir un rôle !
Je regrette tellement aujourd’hui, de voir que les créations de ce genre de spectacles ne vont que vers la basse variété. A part le Châtelet, qui ose monter avec un talent inouï,  les joyaux du Broadway des belles années, la comédie musicale est devenue un genre de variété TF1.

Costa Café
La carte de fidélité du Costa café, élément fondamental ! Je vais souvent y travailler sur le boulevard des italiens. C’est en face de mon travail alimentaire, le café y est bon, les gens sympas, c’est très propre et confortable. Bref, l’endroit parfait pour aller travailler sur des projets qui ont du sens, pendant la pause syndicale. Attention toutefois, prévoir un casque, la playlist y est absolument insupportable (mais j’en ai touché deux mots au manager.

Gonzaï
Je ne peux pas séparer Gonzaî de son fondateur, Thomas. Je dois énormément à notre collaboration. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ma comédie musicale illustrée, j’ai proposé à Thomas de faire des dessins pour Gonzaï. Quelque mois plus tard, il m’a appelé et m’a dit : « il reste un page dans le prochain Gonzaï, fait ce que tu veux mais c’est pour dans deux jours ».
De fil en aiguille, nous avons collaboré de plus en plus souvent et un jour je me suis décidé à lui parler de mon projet. Il m’a convaincu de commencer à en parler. Sans lui, je n’aurais jamais rencontré toutes les personnes qui m’aident à essayer de faire exister ce projet.
Par ailleurs, Thomas m’a fait confiance sur Gonzaï pour faire les couvertures et pas mal d’illustrations intérieures. Cette visibilité a été déterminante pour mon activité. Je peux dire que sans Gonzaï, je n’aurais pas la vie que j’ai aujourd’hui.

Reza – Tornado
J’ai rencontré Reza un peu par hasard sur Facebook car il souhaitait illustrer son nouvel album, Tornado. Il m’a contacté, nous avons déjeuné ensemble et j’ai tout de suite été sensible à sa démarche, son disque, son envie. Il m’a dit « Je veux quelque chose de différent, je fais de la musique avec mon coeur, et ça me fait de la peine qu’elle finisse dans une boite en plastique impersonnelle.”  J’ai été très touché qu’il pense à moi.
Je sais ce que c’est que de faire un disque et je sais que le visuel est très important. C’est le premier contact qu’on a avec la musique et c’est fondamental de servir au mieux l’atmosphère. Au final, j’ai créé un boitier en bois, qui fait aussi office de cadre dans lequel on peut présenter l’illustration que l’on souhaite, car chaque chanson a été illustrée. C’est un projet dont je suis très fier. Du vrai artisanat, tout a été fait à la main. Les boitiers ont été découpés au Laser dans un Fablab, les défonces pour insérer le disque ont été faites à la main par mon père et ensuite, j’ai procédé au montage et au marquage de chaque boitier, un par un.
Ce mode de fonctionnement correspond vraiment à un genre d’idéal : plus besoin d’usines, de sommes d’argent gigantesques, juste beaucoup d’envie, des idées, des gens qui travaillent ensemble dans le but final de créer un bel objet.

Montre
J’adore les vieilles montres. J’aime le design des années 40/50. Le fait que le mécanisme soit manuel, et, ce mouvement si particulier de la trotteuse, qui donne au temps un côté plus vivant que cet inquiétant battement du quartz.
Et puis la montre, évidement, c’est le temps. Et plus j’avance en âge, plus il semble s’accélérer et plus j’ai la sensation que chaque seconde est comptée. Il y a tant de choses que je veux encore faire, apprendre, tant de lieux que je voudrais visiter, qu’il n’y pas une seconde à perdre.


Mathieu Persan
Février 2016

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Candice Nguyen

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LES ESSENTIELS DE CANDICE NGUYEN

           1- Tout ce qui figure hors cadre (finalement)
le bleu du ciel et solaires les éclats de rire des amis, des enfants
abondante la lumière sur le mur à la fin du jour et le sel sur la peau : la mer toujours recommencée cette
contemplation quotidienne du crépuscule qui saisit le ciel et la ville, jamais ne se répète mais toujours
module le fil des pensées et l’espace du soir qui vient (une à une les lumières des immeubles qui
s’allument, les conversations et les vies qu’on imagine reprendre, là, au chaud, sous nos yeux)
l’air dans les branchies et les brasses coulées,
nager nager débusquant les poches d’eau froide dans la mer chaude
un paquebot à l’horizon qui s’éloigne, d’autres au matin qui arrivent (l’importance de la vue de chez soi
comme un des signes rappelant cet essentiel : l’ouverture de soi sur le monde et le monde qu’on accepte
de laisser rentrer à l’intérieur de soi)
le dédale des villes portuaires et les scintillements le long de la côte
et les balades citadines ici et là, et là (cf. audio en bas de page)
le vent —
le vent qui détend la fatigue sous crâne et adoucit, réveille ou rend fous les coeurs (c’est selon) ;

           2- la musique en permanence qui se déploît et occupe tout l’espace, depuis les grands classiques aux projets qui se font aujourd’hui, à la maison, dans la rue, dans le train, tout le temps, partout, les concerts et festivals comme rendez-vous ;

           3- des livres et des mots en pagaille, l’impossibilité de n’en retenir qu’un, essentiel que cela soit en pagaille ;

           4- de quoi photographier le temps, les états de lumière et les gens — compact de préférence ;

           5- les accessoires constituant : noir sur les yeux et rouge sur les ongles, les perles et l’insolence autour du cou, les lunettes (les plus grandes du magasin de préférence), le perfecto — la ventoline ;

           6- les clés du 2 roues, traverser la ville d’un bout à l’autre en toute liberté ;

           7- le passeport… toujours prête au départ ;

           8- le café noir fumant au matin, le citron vert qui le précède ;

           9- un film : le Doulos de Melville (et l’addiction pour Belmondo jeune) ;

           10- des revues contemporaines permettant de poser des mots sur nos tentatives de déchiffrer ce monde et de nous donner quelques clés pour continuer ;

           11- des baskets en pagaille (ce pourrait être des boots aussi) ;

           12- le piano délaissé (donc absent de l’image), et pourtant vital ;

           13- le travail des artistes, publiés, exposés, soutenus ;

           14- l’ordi… et sa connexion web, porte ouverte sur tant, et creuset de mon écrilire ;

           15- essentiel, que la vie soit tout ce bordel qui déborde…


– Autopsie du bordel –
de haut en bas, gauche à droite.

(2) (13) Oiseaux-Tempête – Debut

(2) Godspeed You ! Black Emperor – f♯a♯∞
(2) (13) Valparaiso with Phoebe Killdeer – Winter Sessions
(2) A Silver Mount Zion – He has left us alone but shafts of light sometimes grace the corner of our rooms
(3) Carte postale du CiPM, « Pour écouter l’étoile de Copernic »
(2) Crosby Stills Nash & Young – Four way street
(2) Neil Young – Live at Massey Hall 1971
(13) Hélène Pé, « Snark », oeuvre originale
(1) Enfant – Pirate
(3) Carte postale représentant une répétition de « Coléoptères & Co » de Bernard Heidsieck par Paul-Armand Gette – 1964
(3) Hervé Guibert, Photographe, Texte de Jean-Baptiste Del Amo
(3) Hervé Guibert, L’image fantôme
(10) Revue Le Tigre
(10) Revue L’Impossible
(14) Ordinateur portable Pomme
(2) The Legendary Tigerman – Femina
(2) Nikolai Lugansky – Rachmaninov, piano concertos nos. 1&3, Birmingham symphony orchestra Sakari Orano
(3) Carte postale du CiPM, « marseille[e]s »
(3) Patrick Boucheron & Mathieu Riboulet, Prendre dates, Paris, 6 janvier-14 janvier 2015
(3) Patti Smith, Just Kids
(3) André Velter, L’Arbre Seul
(3) Louis-Combet, Blesse, ronce noire
(3) Hervé Guibert, Fou de Vincent
(3) Eugène Savitzkaya, Marin mon coeur
(3) Jean-Philippe Toussaint, Fuir
(3) Marguerite Duras, Les Yeux bleus cheveux noirs
(3) Herman Hesse, Description d’un paysage
(3) Jean-Christophe Bailly, Le Versant animal
(3) Jean-Christophe Bailly, Panoramiques
(3) Jean-Michel Maulpoix, Chutes de pluie fine
(3) Jean-Michel Maulpoix, Un dimanche après-midi dans la tête
(3) Nicolas Bouvier, Journal d’Aran
(3) Jacques Dournes, Forêt, Femme, Folie
(3) Vassili Golovanov, Eloge des voyages insensés
(3) Pierre Bergounioux, Carnet de notes
(3) Rifaat Sallam, Pierre flotte sur l’eau
(3) Hervé Guibert, Le Mausolée des amants, Journal 1976-1991
(3) Philippe Jaccottet, Paysages avec figures absentes
(3) Dimitri Bortnikov, Repas des morts
(11) Paire de baskets new-yorkaises avec son petit #pointlune
(5) Collier de perles du Vietnam, « Insolence » (parfum), « Hypnôse Star eyes – Saphir noir » (ombre à paupières « étincelante & sophistiquée » , sic !) « Captain 750 » (vernis à ongle rouge)
(8) Tasse à café, citron vert
(3) Philippe Jaccottet, Oeuvres Pléiade
(4) Appareil photo numérique
(7) Passeport
(5) Ventoline
(4) Appareil photo argentique
(5) Perfecto
(5) Lunettes de vue et solaires
(9) Le Doulos de Jean-Pierre Melville
(6) Clés du scooter
(2) Lecteur mp3
(2) The Legendary Tigerman – Naked Blues

(Support : fauteuil vintage de ma regrettée voisine de palier R. Félicité T., 1921-2016)



Candice Nguyen
Février 2016

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www.candice-nguyen.com
www.plateformag.com
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Elian Chrebor

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LES ESSENTIELS D’ÉLIAN CHREBOR

Dix objets.
Qui représentent des instants que j’ai aimés, que j’essaie de reproduire.
Des échanges, des rencontres.

La photographie est bien sûr présente. Qu’a-t-on trouvé de mieux pour les figer, ces instants ?
J’ai posé mon appareil. Un petit reflex sur lequel j’adapte de vieux objectifs. Il y a aussi cette carte postale d’un dodo naturalisé. C’est la première de mes photos que j’ai souhaité, que j’ai osé partager. Elle m’est revenue un jour, retouchée par le peintre Dominique Spiessert. J’étais fou de joie !

Pas loin de la photo, il y a la musique.
Le jazz en particulier.

Le jazz, c’est une façon d’être. La virtuosité au service de la déconstruction, de la reconstruction, de l’improvisation. On ne sait jamais où on va, mais on sait que le voyage sera sujet à découvertes. Plus que les musiciens, c’est leur musique que j’essaie de photographier. Ce qu’ils en font, comment ils la ressentent.

La photo, c’est aussi les voyages. L’Iran, cet Orient fantasmé par mes lectures occidentales. La douceur d’Ispahan, les jardins de Fin à Kashan. C’est un pays changeant. Une jeunesse séduisante et des contrastes dérangeants.

Deux autres livres sont posés là. Voyage au bout de la nuit. Parce que Céline, comme Montherlant, Cioran ou Duras, fait partie de ces écrivains qui m’accompagnent depuis 30 ans. Et puis un recueil de poésies de Verlaine, magnifiquement relié.
Sans être bibliophile, j’aime les beaux livres. Ceux qui ont une histoire. Les grands papiers. Les envois. Les illustrés. Roger Bezombes fait partie des illustrateurs qui me touchent. J’étais très heureux de chiner cette carte de vœux lithographiée.

Le portrait en pied de Marinetti m’a été (aban)donné par Bobig. J’ai participé, sans le vouloir, à la création de cette peinture. Bobig est sans conteste le plus grand artiste contemporain du dimanche ! J’aime sa perception de l’art et de la création : “L’Art c’est n’importe quoi et c’est tant mieux.”

En guise de point final, une tasse à café.


Elian Chrebor
Février 2016

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elianchrebor.fr
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Éric Auv

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LES ESSENTIELS D’ÉRIC AUV

Si je pouvais résumer ma vie, ça tournerait autour de la photographie, de la musique, de la nourriture et des pandas.

La photographie
Débutons par là, j’ai commencé à m’intéresser et à faire un peu de photo quand j’ai découvert l’existence d’un labo photo argentique au sein de ma fac de Pharmacie à Paris 5. J’ai commencé à faire quelques photos de concerts, à les développer et les tirer moi-même ! Faute de temps et de place, je ne fais plus de tirage, mais j’aimerai en refaire un jour !
Ce que j’aime, c’est les vieilles mécaniques…j’aime les vieux appareils, les polaroids, les chambres, les toy-cameras ! Sur la photo, deux appareils que j’adore : le Polaroid SX-70, tellement beau et chouette appareil, et une Graflex Crown Graphic, dont je me sers pour faire du 4X5, pratique pour utiliser une chambre à main-levée grâce à son télémètre ! J’aime aussi mon Pentax 67, mon Polaroid 180, mon Yashica mat 124…
Je pourrai en parler longtemps, je dis souvent que photographe est l’un des plus beaux métiers au monde. J’aimerai aussi me lancer prochainement dans le tirage au collodion… J’admire Diane Arbus, Mary Ellen Mark, Elliot Erwitt, Steve McCurry, Vivian Meier, Gilles Caron, Martin Parr…. Je mets en ligne quelques photos analogiques sur mon site et des photos numériques sur mon Tumblr.

La musique
Beaucoup de choses à dire aussi, on va aller à l’essentiel. Guitariste à la base, mon ami et “frère” Sylvain B. m’a demandé de jouer de la batterie dans son projet ALGO. Je n’ai jamais pris de cours de batterie. J’ai plus ou moins “appris” en regardant Dave Grohl et John Bonham, puis plus tard Jim White et Neil Morgan. Je suis très fier de notre EP, the Misunderstanding. ALGO, c’est comme une 2ème famille pour moi, mais je ne sais pas si ils le savent, hahaha !!!
J’écoute énormément de musique, quelques vinyles pour résumer rapidement ! Nevermind de Nirvana, la base pour moi, Lift your skinny fists like antennas to heaven de Godspeed You! Black Emperor, disque qui m’a poussé à explorer beaucoup d’autres styles musicaux. Mon album préféré de 2015, Divers de la fée Joanna Newsom et enfin Fold Your Hands Child, You Walk Like a Peasant de Belle and Sebastian, impeccable disque de pop.
Ce dernier disque me permet de parler de mes origines sino-khmers. Je me suis “récemment” intéressé à la culture musicale de mon pays des années 70. Mélange de musique traditionnelle cambodgienne et de musique “occidentale” qui était captée à l’époque sur les ondes radio du Vietnam. Cela donne un mélange très authentique, mis en valeur dans cette très belle compilation Dengue Fever presents: Electric Cambodia, regroupant des artistes que mes parents écoutent encore: Sinn Sisamouth, Ros SereySothear, Pan Ron…. Et de ce fait, je me suis mis à lire tout ce que je pouvais sur cette tragique période des Khmers Rouges qui a décimée toute une génération. Je lis actuellement le livre de François Ponchaud Cambodge Année Zéro, missionaire français qui a été l’un des premiers à témoigner de l’horreur…

La nourriture
On me dis souvent que je suis chiant quand j’ai faim! C’est vrai ! J’adore manger (avec des baguettes) et faire à manger. Là encore, c’est très inspiré de l’Asie du Sud-Est et des saveurs de ma mère qui est une excellente cuisinière, la meilleure du monde même ! Je suis gourmand, et j’aime bien accompagner un repas avec du bon vin, avec une préférence pour les Bourgognes et les Vins du Languedoc-Roussillon. J’adore aussi la bière haha…

Pour le reste, le jean noir Cheap Monday et les Chelsea Boots constituent la base de mes tenues, j’ai au moins 5 jeans comme ça identiques (!!!) et rien de mieux que ces bottes, aussi vite mises que retirées! Et mon porte-carte, toujours dans la poche droite de mon jean.


Eric Auv
Janvier 2016

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Je suis une île…

Yann Tiersen - Eusa - Porz Goret

Tout au long de sa carrière, Yann Tiersen n’a cessé de se réinventer, de remettre en question sa musique, à travers de nouvelles collaborations et de nouvelles rencontres.

Avec la discrétion qui le caractérise, il publie ces jours-ci un livre de partitions pour piano solo, baptisé Eusa (Ouessant en breton). Ce livre est constitué de dix titres inédits, qui portent chacun le nom d’un lieu de l’île qu’il l’a inspiré. Chaque titre est géolocalisé par ses coordonnées GPS et illustré par une série de photographies d’Emilie Quinquis.

Comme l’explique Yann Tiersen : “Ouessant est bien plus que ma “maison”, c’est également une part de moi-même. Avec Eusa, j’ai voulu réalisé une cartographie sonore et musicale de l’île et par extension, une cartographie de ma personnalité.
J’ai d’abord commencé par sélectionner dix sites sur l’île dont j’ai réalisé un enregistrement d’ambiance sonore naturelle. J’ai ensuite composé les dix partitions, qui portent chacune le nom d’un des dix lieux.
Puis, j’ai décidé que je ne réaliserai pas d’enregistrements audio de ces dix titres, mais que les ambiances sonores qui les ont inspirées seraient inclus avec le livre de partitions.
Il sera ainsi possible pour chacun de s’immerger dans l’environnement sonore d’Ouessant et d’interpréter la partition accompagnée de l’ambiance naturelle qu’il l’a inspirée. Les sons de l’île sont au moins aussi importants pour moi que les notes sur les partitions.”

Ce livre est donc une sorte d’expérience interactive entre Yann Tiersen, son public — du moins ceux qui ont des talents de musiciens leur permettant de lire et de jouer une partition — et l’environnement sonore naturel de l’île d’Ouessant.

Une bien belle idée !

L’annonce de la sortie du livre est accompagnée par la diffusion d’un très beau clip vidéo tourné sur l’île, où Yann Tiersen interprète lui-même “Porz Goret”, l’un des dix titres d’Eusa. Il entamera à partir de Mai prochain une tournée en solo où il interprètera Eusa dans son intégralité.

Yann Tiersen projette également, de composer et d’enregistrer son prochain album uniquement en extérieur, dans différents milieux naturels à travers le monde afin “de laisser la magie naturelle et sauvage des lieux pénétrer la musique”. Vous pourrez suivre ici l’évolution de ce projet baptisé “Album #9” .

 

Yann Tiersen - Eusa
Yann Tiersen – Eusa

Le livre Eusa est disponible sur le site officiel de Yann Tiersen

Les partitions de chaque titre sont disponibles ici
(une écoute interactive est possible)

Les dix ambiances qui ont inspirées les morceaux peuvent être écoutées ici

 

 

Sylvain B.

My essentials for Stereographics © Sylvain B.

LES ESSENTIELS DE SYLVAIN B.

Commençons donc par l’essentiel : ma guitare. Cela paraît basique, un peu post-ado, mais elle me suit partout ! Celle-ci ou une autre (qui prend maintenant la poussière) partagent autant ma vie professionnelle que ma passion avec ALGO.
Je la promène de concerts en concerts, elle a pris le RER des centaines de fois, elle se promène à chaque période de vacances dans le Sud Ouest pour manger un peu de canard et bien sûr, elle reprend sa place dans ma petite pièce musique où elle me sert à composer et à travailler pour les cours.
J’en joue depuis le collège, de Oasis à The Auteurs, toutes les reprises y sont passées : mais je ne pensais pas faire de la musique un métier à part entière ! La musique m’a accompagné dans les différents cursus universitaires que j’ai “tentés” jusqu’à celui de Musicologie… Je ne pensais rien de trouver de spécial là-bas, ne pensais pas être à la hauteur, être capable ensuite de faire de la musique un métier, mais la musique m’a rattrapé … ah ah !

De la guitare, passons à ce fameux capodastre, acheté quelques euros dans un magasin très célèbre de la porte de la Villette… Il est toujours au fond de mon sac, au cas où je perdrai celui qui me sert en classe. Eh oui ! C’est un peu comme mon deuxième trousseau de clefs.

Les Yashica Mat 124 et Polaroid SX70 : comme mon ami Eric Auv, mon “frère” qui m’accompagne dans l’aventure ALGO depuis le début, on adore tout ce qui est vintage, authentique, comme la photographie argentique et le polaroid. Il est plus que doué et fait parfois des expos, moi je suis un amateur “averti”. On a plein d’appareils argentiques et on shoote toute l’année quand le temps nous le permet. Je range ensuite tous mes clichés et autres polas dans de grands albums photos, à l’ancienne. J’adore les regarder mais aussi les montrer ! C’est un peu une deuxième passion. ALGO m’a permis aussi de rencontrer d’autres passionnés de photos comme Séverin du groupe Parlor Snakes ou encore Louis de Soul Kitchen.

Mon téléphone portable : on est passionné de vintage mais on reste tout le temps ultra-connecté. Mon portable me lâche rarement, c’est un gros défaut, mais il me permet dans n’importe quel endroit de gérer le boulot et ALGO à distance. D’où “l’intérêt” d’une phablette pour la qualité de l’image et la rapidité. Du coup, il remplace parfois mon ordinateur. Cela me change de mon premier téléphone Alcatel OLA. Si, si…. Tout le monde s’en rappelle !

Ma montre et mon agenda : bon, ok… Je suis hyper organisé et obsédé par le temps qui passe et toutes les choses que j’ai à faire pour la musique et le boulot. Du coup, semaine par semaine, j’organise mes journées de manière millimétrée. Cela ne m’empêche pas de dormir le mercredi et le week-end jusqu’à midi… ah ah !

Les baguettes et l’arôme Maggi : ayant des origines asiatiques, j’ai comme héritage de ma maman un goût très prononcé pour la cuisine. Lassé des pâtes carbonara et des kebabs de fin de soirée quand j’étais étudiant, je me suis mis à reprendre des recettes laotiennes ou vietnamiennes de ma mère en suivant ce qu’elle m’avait écrit mais surtout en reproduisant des gestes que j’avais vus depuis tout petit : en effet, j’étais tout le temps en cuisine avec elle, tel un grand gourmand, pour ne pas rater une miette des plats qui embaument tous les jours la maison familiale. Bref, je m’y suis mis et je crois que je m’en sors pas trop mal. Il faudra demander cela à ma copine et mes amis.
Eh Pascal, tu as aimé mon Bo-Bun ? 🙂 (NDL: absolument excellent mister B. !)

“If You’re Feeling Sinister” de Belle and Sebastian : L’un des meilleurs albums de tous les temps que j’ai découvert grâce à mon ami Julien, aka Pépé, qui m’a fait notamment découvrir The Auteurs ou encore plein d’autres merveilles. C’est aussi un peu grâce à lui que je me suis tourné vers la musique, et surtout la pop. On était dans le même groupe des années et on a partagé beaucoup sur le plan personnel. Il fait en quelque sorte partie de ma famille.

Mon T-shirt L.A 84 : étant un grand fan d’Elliot Smith, je me suis mis à chiner sur le net comment me procurer ce fameux vêtement en pochette de FIGURE 8. J’ai réussi, je le mets de temps en temps et ça me fait rire. J’ai l’impression d’être un fan de Maiden avec un t-shirt bizarre.

The Misunderstanding” d’ALGO : je ne vais pas être redondant, une bonne partie de ma vie tourne autour d’ALGO et je suis très fier de cet EP. C’est un condensé de beaucoup de choses, en 5 chansons, avec beaucoup de monde et d’amour. What else?

Une pinte ! Loin de moi l’idée d’adhérer au rock’n’roll et à tous les fantasmes qui en découlent… Je préfère écouter de la bonne musique sur un canapé en buvant une lager. Toi aussi ?


Sylvain B.
Septembre 2015

Plus d’informations sur ALGO et Sylvain B. :
www.facebook.com/wearealgo/
wearealgo.bandcamp.com/

My essentials for Stereographics by Sylvain B.
© Sylvain B. / All rights reserved / Reproduction prohibited without permission of the author.

Grisbi

Grisbi / Photographie © monsieurj

AU DÉBUT

Quel est votre premier souvenir “graphique” à tous les deux ?
Natasha Une reproduction du Jardin des Délices de Jérôme Bosch qui trônait au-dessus de l’orgue du salon. Un univers étrange et fascinant, fourmillant de détails, qui m’a obsédé toute mon enfance. À la même époque, j’ai pas mal feuilleté les magazines Géo de mes parents. Leurs reportages photo m’ont aussi profondément marqués.
Antoine Les hommes volants de Jean-Michel Folon, le fameux générique d’Antenne 2.

Et votre premier souvenir “musical” ?
Antoine — Pink Floyd “The Wall”, la musicassette de mes parents (avec plastique bleu !?) doit être bien rincée à l’heure qu’il est…
Natasha Si on exclut ma première demande officielle d’achat de disque (“Chante” des Forbans…), et j’avoue que ça m’arrange, je pense instantanément à “Lost Weekend” de Lloyd Cole And The Commotions. C’est probablement le morceau que j’ai le plus écouté en boucle avant mes 10 ans. J’étais amoureuse de la voix et de la guitare, c’était super pour danser.

Les deux souvenirs sont-ils liés ?
Antoine  Pas vraiment, mais dans les deux cas, l’image et la musique sont indissociables, ils ne forment qu’une entité. L’intérieur de pochette de Pink Floyd “The Wall” m’a provoquée pas mal de cauchemars à 5 ans.
Natasha — Indirectement, oui. Mon père achetait tous les 45 tours qui sortaient à l’époque. Je passai des heures, le casque vissé sur les oreilles, à les écouter dans le salon, là où était accroché le dit tableau. J’ai donc pu le contempler longuement, bercée par le meilleur et le pire de la musique des années 1970-1980. Curieuse mixture…

“L’intérieur de pochette de Pink Floyd “The Wall” m’a provoquée pas mal de cauchemars à 5 ans” — Antoine

Photographie © Jean-Christophe Londe (aka monsieurj)

GRAPHISME ET MUSIQUE

Certains mouvements musicaux ont accordé une place essentielle à l’image et au graphisme. Y êtes-vous sensible ?
Antoine  Complètement. La période punk a été décisive en ce qui concerne l’évolution de l’imagerie et de la musique, puisque tout le monde devenait potentiellement un artiste. On a connu sensiblement la même chose avec la house, ses badges et consorts.
Natasha — Ma grande sœur était fan de hard-rock, donc oui j’ai été sensibilisée assez tôt à ce lien entre musique et graphisme… Toute considération esthétique mise à part, les zombies de Maiden, la fameuse pochette de Scorpions avec le chewing-gum collé sur la poitrine dont j’ai oublié le nom, ou les croix alignées de Master of Puppets (Metallica) sont des images marquantes.
A la simple vue d’une pochette, tu sais où tu mets les pieds, comme avec l’imagerie punk dont l’esthétique est aussi très codifiée, avec des typos destroy très étudiées. Au final, ces codes, cette iconographie, c’est une manière pour les groupes de revendiquer ou d’affirmer leur appartenance à un mouvement et d’être instantanément identifiés par un public. C’est bien pratique mais le risque est de tomber dans les clichés. J’ai tendance à préférer les outsiders qui brouillent les pistes.

En tant que musicien, quelle importance et quel rôle accordez-vous à une pochette de disque ?
Natasha  La pochette a un rôle primordial. Avant même la musique, c’est le premier contact intime qu’on a avec un disque. C’est une porte d’entrée qu’on a envie de pousser ou pas. J’ai acheté de nombreux disques sur la foi de la pochette, simplement parce que le visuel était beau ou intrigant. Inversement, je suis peut-être passée à côté de très bons disques à cause d’une pochette ratée.
Antoine — La pochette « représente » la musique, elle en est l’ambassadeur. Elle signifie aussi parfois « Attention, ceci n’est pas pour tout le monde ».

“Le ressenti d’un graphiste sur la musique, les images qu’elle fait naître dans sa tête, c’est bien plus intéressant que de répondre à un cahier des charges” — Antoine

Selon vous, la pochette doit-elle être “simplement” représentative du disque qu’elle contient ou permet-elle d’ajouter une “autre” dimension à la musique ?
Natasha Elle ne doit pas être nécessairement représentative de la musique, je dirais même au contraire, mais elle conditionne indéniablement notre écoute.
Elle peut stimuler notre imaginaire en étant énigmatique (Houses of the Holy – Led Zeppelin). Elle peut s’effacer en jouant la neutralité ou le minimalisme (l’album blanc des Beatles, la banane de Warhol pour le Velvet) pour laisser place à l’essentiel, ou au contraire imposer une lecture en donnant beaucoup d’informations, en proposant une histoire.
Antoine Pour moi, elle n’a pas à être représentative, en tous cas pas nécessairement. “Atom Heart Mother” et sa vache est pour moi une référence en la matière. Le ressenti d’un graphiste sur la musique, les images qu’elle fait naître dans sa tête, c’est bien plus intéressant que de répondre à un cahier des charges.

Faites vous une différence entre une pochette vinyle et une pochette CD ?
Natasha La pochette vinyle l’emporte évidemment haut la main. J’adore cet objet et son format, 33t et 45t confondus. C’est un carré parfait qui vieillit en outre très bien. Je trouve ça beau une pochette qui a vécu, avec ses coins abîmés, ses déchirures, le nom de son propriétaire fièrement griffonné…
Elle révèle une relation très intime, une histoire d’amour ou de haine parfois. Une boîte cristal de CD rayée ne me raconte pas grand chose.
Antoine J’ai toujours eu du mal à ne pas écorner les pochettes de Cds en les glissant dans les boîtiers cristal, cette fameuse quatrième languette ;p
Je reste bien plus attaché au visuel des vinyles qu’à leur son, les craquements ça ne me manque pas du tout. Il y a une certaine perfection dans ce format 30*30.

“Je trouve ça beau une pochette qui a vécu, avec ses coins abîmés, ses déchirures, le nom de son propriétaire fièrement griffonné” — Natasha

Photographie © Jean-Christophe Londe (aka monsieurj)
ARTWORK

Comment envisagez-vous le travail sur une pochette ? Êtes-vous ouvert à l’apport et l’échange d’une collaboration graphique ?
Antoine Au moment d’enregistrer, je n’y prête aucune considération. C’est ce que l’ensemble des titres évoque en terme d’image qui est important, ça intervient dans un deuxième temps, tout en appartenant à l’œuvre dans sa totalité. Je détesterais réaliser les pochettes moi-même, si tant est que j’en avais les compétences. Ma vision reste musicale.
Natasha Jusqu’ici on a confié la réalisation de nos pochettes à des amis, graphiste ou photographe. On est finalement peu intervenu dessus. C’est assez marrant et instructif de voir ce qu’évoque ta musique chez les autres.
Aujourd’hui, j’ai envie de m’exprimer davantage sur l’aspect visuel. L’important étant de trouver le bon équilibre entre tes aspirations et la liberté d’action du graphiste. Une collaboration est et doit rester un échange.

Lorsque vous composez, avez-vous des images spécifiques en tête ?
Natasha J’ai tendance à penser qu’on se nourrit forcément d’images quand on écrit, quand on compose, mais je peux me tromper. En tout cas, je fonctionne comme ça. Les mots d’une chanson, les mélodies, sont la traduction des images qu’on a dans la tête ou dont on s’inspire (photo, tableau…) mais ce ne sont pas nécessairement celles qu’on imagine pour illustrer une pochette de disque.
Antoine Lorsqu’on a composé notre premier album « Playtime » (sic), on a abusé des dialogues de film, l’idée étant de faire naître un maximum d’images chez l’auditeur, de l’enfermer dans une bulle.
La plupart de mes idées musicales naissent d’images d’ailleurs, comme le final psychédélique de 2001 ou les scènes de plage de « Rêve de Singe » par exemple, des trucs oniriques.
Je préfère qu’on me suggère des images évoquées par la musique ; je suis d’ailleurs très satisfait du travail graphique de Marceau Boré (de Piano Chat) pour notre 1er album, l’image de ces deux personnages un peu anxieux gribouillés sur du papier froissé, ça nous représentait parfaitement, du moins tels qu’on l’était à l’époque. J’y vois mes propres doutes.

“Les mots d’une chanson, les mélodies, sont la traduction des images qu’on a dans la tête ou dont on s’inspire  mais ce ne sont pas nécessairement celles qu’on imagine pour illustrer une pochette de disque” — Natasha

Qu’attendez-vous de la personne (artiste, graphiste, photographe, etc..) avec laquelle vous travaillez sur une pochette ?
Natasha D’abord qu’il y prenne du plaisir et qu’il soit sensible à notre musique. Si c’est une contrainte, il n’en sortira rien de bon. Qu’il ose faire des propositions, radicales ou auxquelles on n’aurait pas pensé, tout en sachant être à l’écoute du groupe. Et puis, qu’il sache faire ce que je ne sais pas faire techniquement !
Antoine Qu’elle s’exprime, sans barrières. Comme nous en somme.

Dans votre discographie, avez-vous cherché à garder une identité graphique, une ligne directrice où pensez-vous que chaque disque doit ou peut avoir un univers visuel spécifique ?
Antoine — Ça dépend des jours ;p On peut vite se retrouver coincés dans une imagerie qui ne nous correspond plus à l’instant T, puisqu’on évolue tous. Ou alors il faut s’appeler The Smiths et avoir suffisamment de latitude. Et encore, leurs covers sont toutes interchangeables en réalité, elle ne servent pas forcement la musique qu’elles véhiculent. J’ai du mal avec les artistes monomaniaques de toute façon.
Natasha
Il n’y a aucun lien visuel entre le premier album de Grisbi (Playtime) et l’EP ‘Lillies Bordello qui a suivi. Pas forcément par choix délibéré, cela est lié à l’histoire du groupe, la volonté d’intégrer des amis dans le projet, la débrouille aussi…
Dans le premier cas, on a fait appel à un ami graphiste et musicien, Marceau Boré, qui a gribouillé un dessin dans le train et qu’on a gardé tel quel parce que la spontanéité de sa réalisation nous plaisait. On a fait le choix de la photo pour la pochette de l’EP qu’on a confiée à notre ami photographe Monsieurj. La pochette du prochain disque sera aussi très différente des autres. J’ai des envies plus affirmées aujourd’hui, des idées plus précises.

“La plupart de mes idées musicales naissent d’images d’ailleurs, comme le final psychédélique de 2001 ou les scènes de plage de « Rêve de Singe » par exemple, des trucs oniriques.” — Antoine

Photographie © Jean-Christophe Londe (aka monsieurj)

HALL OF FAME

Quelles sont la ou les pochettes qui font référence pour vous ?
Antoine
J’adore celle d’Actually des Pet Shop Boys, qui les représente des poches sous les yeux, en train de bailler, dans ce qu’on imagine être une séance de shooting promo. Elle raconte une histoire. Idem pour “Propaganda des Sparks.
Natasha Outre les incontournables pochettes des Smiths et de Kraftwerk que je vénère, il y a bien sûr celle, fascinante, d’ “Atom Heart Mother” de Pink Floyd. Avec mes sœurs, on demandait aux parents le disque de “la vache”. Cela en dit long sur l’efficacité imparable de ce visuel. Je leur ai piqué depuis et il est exposé chez moi comme une sainte relique. Ce choc visuel on l’a avec à peu près toutes les pochettes de Pink Floyd. Je pense à “Ummagumma” et “Animals” en particulier. J’en exclus la vilaine pochette de “The Endless River” qui évoque une parodie, un fake. C’est totalement raté.

LE TOP 5 (DES PLUS BELLES POCHETTES)

Natasha

The Man Machine – Kraftwerk
Movement – New Order
Animals – Pink Floyd
Goo – Sonic Youth
Histoire de Melody Nelson – Serge Gainsbourg
Discorama_Top5_Grisbi_Natasha
Antoine
XTC – Go
Depeche Mode – Music For The Masses
Broadcast – The Noise Made By People
New Order – Movement
Throbbing Gristle – 20 Jazz Funk Greats
Discorama_Top5_Grisbi_Antoine


Natasha Penot et Antoine Chaperon
Octobre 2015

Plus d’informations sur Grisbi :
www.facebook.com/Grisbi
www.elap-music.com


Toutes les photographies qui illustrent l’article sont de © Jean-Christophe Londe (aka monsieurj)

“Keep An Eye On You” —Grisbi (2015)