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Hugues Massello

Mes Essentiels pour Stereographics par Hugues Massello

LES ESSENTIELS D’HUGUES MASSELLO


PREMIÈRE DÉCENNIE (de bas en haut)

– J’ai fabriqué de mes mains la boîte de mon banjo. Le plus dur est fait mais il lui manque toujours une poignée.

The Madcap Laughs, Syd Barrett, ma seule et unique méthode de guitare. Ce qui fait de Syd Barrett mon prof de guitare.

– Toute ma vie, j’ai cherché une chemise aussi classe que celle que Tom Waits arbore en couverture des Inrockuptibles no 9, nov.-déc. 1987. (Je dois tout aux Inrockuptibles 1986-1995)

– L’aspirine, mon amie pour la vie.

– Alors que tout le monde bazarde son lecteur de cassettes, le trio Coccyx livre son unique témoignage avec Tape No, compilant pas moins de 18 plages (autoproduit, 1995).

– En anglais, pour m’améliorer, Trout Fishing In America, Richard Brautigan, que j’ai déjà adoré en français.

– J’avale des kilomètres de long métrages au cinéma ou à la télé. Hitchcock aura été le premier réalisateur dont j’identifie le nom plutôt que celui d’un acteur ou d’une actrice (La Mort aux trousses, Alfred Hitchcock). (Je dois tout à Télérama)

– Encore trop intimidé pour fréquenter les librairies, je sors des travées de la bibliothèque pour chercher d’autres lectures chez les bouquinistes. Voyage au bout de la nuit, L. F. Céline (Le Livre de poche).

L’Association est arrivée juste à temps pour sauver la bande dessinée du naufrage éditorial. L’ado lassé par la manie des séries retrouve, adulte, un langage plus riche que jamais. (Lapin no 6, L’Association, 1994)

– J’achète ce 4-pistes Fostex très peu de temps après qu’on m’a offert ma première guitare, une classique. Avant même de tâter une guitare électrique ou un ampli, je commence à enregistrer des chansons avec deux micros-cravates de récup dès lors que j’arrive à enchaîner trois accords.

– « (…) l’âme toute rongée/Par des foutues idées » (Léo Ferré). Histoire mondiale de l’anarchie, Gaetano Manfredonia (Textuel).

DEUXIÈME DÉCENNIE (de haut en bas)

L’Albanie sans GPS, sans Routard, sans voiture et sans touriste. Albanien, autokarte.

– Objecteur de conscience, j’ai commencé mon initiation à l’architecture en bibliothèque, ai monté un groupe avec les étudiants, suis devenu libraire spécialisé. Vers une architecture, Le Corbusier (Flammarion).

– Dadaisme, surréalisme, futurisme, constructivisme, et ainsi de suisme. Jusqu’à l’érotisme. L’automne, Man Ray dans 1929, Benjamin Peret, Louis Aragon, Man Ray (éditions Allia).

– Le Japon, une révélation esthétique, tous azimuts. Je garde cette affiche où figurent, si j’ai bien compris, la succession de grades de Sumo.

– Chaque média a son vocabulaire, Jean-Christophe Averty parle télé comme personne. Évidemment, depuis la fin de La Sept, la télé n’a plus aucune place dans ma vie.

Pierre Schaeffer fait grande impression sur moi, son Solfège de l’objet sonore, dans sa version enregistrée (quel phrasé !) ouvre des portes vers l’histoire de la radio, de la musique contemporaine, vers la musicologie.

– Les trois CD de l’Anthologie des techniques vocales sont une mine de sons inouïs et vous font trotter d’ethnie en ethnie, de timbres en tuilages, de polyphonies en cris et chuchotements (Les Voix du monde, Ocora Radio France).

– Durablement, Steve Albini a été un dieu pour moi. En tant que producteur à l’esthétique brutale, il a enregistré beaucoup d’albums qui ont compté énormément. Son groupe Shellac est pour moi l’archétype du hardcore américain (At Action Park, Shellac).

– J’écoute beaucoup Radio France, sur un transistor made in Poland increvable.

Bernard Heidsieck représente ici la « poésie sonore », la rencontre de la poésie avec la performance, l’enregistrement, l’expérimentation. Sa « poésie action » fait partie de ce grand ensemble de nouvelles perspectives qui dévie mon regard ou brouille mon écoute.

– En transition de l’aspirine vers le paracétamol.

Bruegel l’ancien, comme Bosch, Van Gogh, Munch, etc. ne se font jamais oublier…

– Chris Ware est capable de faire passer une grande émotion en BD, alors même que la forme qu’il donne à ses récits est d’une sophistication telle qu’elle pourrait éteindre toute vie, dans d’autres mains que les siennes. Acme, Chris Ware (Delcourt)

TROISIÈME DÉCENNIE (en circonvoluant)

– Je découvre très tardivement les avantages d’une capuche. Je deviens un capucin inconditionnel.

– Mon rapport aux livres a complètement changé. J’en achète certains uniquement pour avoir un échantillon de certaine manière de faire un livre. La Lettre écarlate, Nathaniel Hawthorne (Le Club français du livre).

– Et je me tourne vers les livres dont l’objet est le livre. Comment fonctionne le 9e Art (L’Art invisible, Scott McCloud, Vertige Graphic) ? Comment dessine-t-on des collections, comment conçoit-on des mises en page, des couvertures (L’ABC du métier, Charles Massin, Imprimerie nationale) ? Comment inventer des formes inédites (Éditions expérimentales, Pyramyd) ? Comment évolue un genre éditorial (Le Livre de photographie : une histoire, Martin Parr, Phaidon) ? Comment détourner un livre de son usage (Au diable les écrivains heureux !, Laurent d’Hursel, La 5e couche). Je vous en épargne de plus techniques.

– Je crée ma maison d’édition parce « Si vous ne m’aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus » (Maurice Pialat). J’essaie de trouver des manières de reformuler les énigmes devant lesquelles mon parcours m’a placé. La collection « Discogonie » résonne avec quelques jalons prenant la pose dans ce triptyque. Je suis peut-être l’individu au monde qu’elle nourrit le mieux (The Cure – Pornography, Philippe Gonin, Densité).

– Je fais presque l’impasse sur d’autres essentiels : la cuisine (La Cuisine paléolithique, Joseph Delteil, Morel éditeur), le jardin (je sème et ressème des graines, mais je n’ai toujours pas de jardin).

– Un jardin aurait sans doute plu à Blixa, le chien perché qui a accompagné cette décennie. « Caresse et bise à l’œil » (Bernard Lenoir).

Hugues Massello
Juin 2023


Plus d’informations à propos d’Hugues Massello
editionsdensite.fr

Mes Essentiels pour Stereographics par Hugues Massello
© Hugues Massello / Tous droits réservés / Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur

Stéphane Constant

My essentials for Stereographics © Stéphane Constant

LES ESSENTIELS DE STÉPHANE CONSTANT

L’essentiel est invisible pour les yeux ? Parfois si ! J’aimerai me souvenir de ma première lecture de 1984 de Georges Orwell, des épisodes de la 4e dimension rediffusés dans l’émission Temps X (justement en 1984 quand j’avais 11 ans), des Jules Verne ou L’histoire sans fin que je lisais fiévreusement au fond de mon lit. Ce sont toutes les petites choses qui m’ont ébloui, m’ont construit maintenant que je suis debout bien droit, juste un peu plus vieux, c’est tout. Je ne sais pas si vous êtes comme moi : à force d’empiler, il y a dans ma maison, un bazar de choses que je ne regarde même plus, car je sais qu’elle sont là bien rangées, précieuses.

Peter Gabriel avait dit dans une interview des Inrockuptibles (je n’ai pas retrouvé l’exemplaire) : “j’achète des livres que je ne lirai jamais, des disques que je n’écouterai probablement jamais… des films que je ne verrai pas… et dans tout ça je cherche ma voie.” Alors ici, je ne parlerais que des choses dont j’ai tourné cent fois les pages, que j’ai vues et revues ou écoutés mille fois, promis !

Ça ne va pas vous étonner, j’ai une affection particulière pour le papier, l’encre, les carnets, les stylos-plume (le mien est un Kaweco que j’adore), les histoires, alors forcement les livres je les aime, jusqu’à dénicher l’édition originale de mes préférés. Par exemple, mon exemplaire de 1984 chez NRF Gallimard date de 1950, il s’agit de la première édition française. Je ne sais pas si ce livre m’a donné un goût immodéré pour la SF, mais il en est la première pierre. Il est devenu une obsession, dès les premières lignes, il est impossible de s’arrêter : “Le hall sentait le chou cuit et le vieux tapis…”, ça y est vous êtes aspiré par le chef-d’œuvre absolu d’Orwell. Ce roman est une clé qui vous ouvre une compréhension sur la manipulation, le totalitarisme bien sûr… mais surtout, dans ce monde sale, décrépi, Winston Smith (le personnage principal) tente de conserver les objets, les livres, trésors d’un glorieux passé. Les clés des films Fahrenheit 451, Brazil, Bladerunner, etc.

Adolescent, mes parents me reprochaient le temps que je passais à jouer aux jeux vidéo sur Atari, mon penchant bizarre pour le mysticisme (ils croyaient même que je faisais parti d’une secte !) l’égyptologie et plein de trucs bien barrés que je lisais (du Schwaller de Lubicz pour les connaisseurs). Je dessinais même des signes “cabalistiques” (peut-être précurseurs de mon goût pour le graphisme). Forcément Dune de Franck Herbert fut une révélation, il y a avait tout ça la dedans ! La découverte de cette fresque monumentale fut tellement puissante, que je n’ai jamais osé la relire depuis. Je conserve précieusement mes éditions originales avec les célèbres couvertures argentées de la collection “Ailleurs et demain”.

Ça n’a pas été facile de choisir quelques livres, mais dans mon petit panthéon, je placerai L’exil et le royaume d’Albert Camus, ici dans sa version reliée rouge et numérotée 12043 de 1957. Un recueil de nouvelles fascinantes et surréalistes comme La pierre qui pousse ou cette histoire d’un artiste à la recherche de la perfection. Il finira, à bout de force, par peindre une toile blanche ! “[..] au centre de laquelle, Jonas avait seulement écrit, en très petits caractères, un mot qu’on pouvait à déchiffrer, mais dont on ne savait s’il fallait y lire solitaire ou solidaire.” Ce livre est un soleil.

Celui-ci est plutôt une plongée dans le dégoût, je veux parler de Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq. Dans cette première édition, j’y ai même conservé la lettre datée de 1996 que l’écrivain m’avait gentiment adressé (bon c’était avant qu’il soit connu). J’étais un jeune poète à l’époque et étudiant en informatique, je m’ennuyais ferme, alors autant vous dire que ce livre était fait pour moi ! A propos de poésie, j’en ai beaucoup écrit, sur la photo (à gauche dans sa pochette de kraft blanc) il y a le recueil que j’ai terminé en 1995 : L’ange de plomb, arrivé en 2e comité de lecture chez Seuil, mais jamais publié.

René Char, c’était indispensable qu’il figure ici, mon maître absolu ! Il est indissociable des artistes Braque, Matisse, Nicolas de Staël, etc. Poète de l’intimité, de la terre, de la résistance, il n’a cessé toute sa vie de créer des livres d’artiste où la peinture, la gravure et le texte se répondent.

Paul Auster – avec sa trilogie Cité de verre – est mon auteur préféré , son sens de la narration, de l’errance, du surréalisme et de la poésie est unique. C’est aussi avec la complicité de Art Spiegelmann, une entrée dans le roman graphique noir et blanc avec cette adaptation du livre. Les illustrations de David Mazzuchelli y sont géniales, riches en trouvailles scénographiques, en métaphores visuelles. Bref j’aime que les romans soient bizarres, étranges, décalés. Dans ce registre non-conventionnel, je placerai au sommet La Maison des feuilles, le roman que Mark Z. Danielewski a mis 4 ans à écrire : l’histoire d’une maison plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur !

Bladerunner de Ridley Scott est le film que j’ai vu le plus de fois dans ma vie, parce qu’il réunit à la fois la science-fiction, la poésie, une esthétique fascinante et sombre. L’intrigue linéaire presque conçue comme un jeu-vidéo donne l’impression que chaque plan est un tableau, une création visuelle d’une rare perfection malgré son âge. Mieux que Star Wars ! On voit sur la photo, le coffret définitif sous le contrôle du maître : 7 années de méticuleuse restauration ! On y retrouve les 4 versions du film. Ah, le mystère des petites licornes en papier !

Coté filmographie, j’ai trois réalisateurs qui me viennent aussitôt en tête : Krzysztof Kieslowski d’abord avec la trilogie Trois couleurs : bleu-blanc-rouge et aussi la Double vie de Véronique, Le Décalogue. La force émotionnelle de ses films, leur esthétique, est servie par la musique bouleversante de Zbigniew Preisner. Après il y a David Lynch dont un film en particulier : Lost Highway. Complètement déjanté avec une maîtrise totale, le film est comme une poupée russe qui s’emboîte sur elle-même, ou une bande son qu’on rembobine, un chef-d’œuvre ! Le dernier réalisateur auquel je vous une véritable adoration, c’est Wong Kar-Wai et surtout Les anges déchus, c’est violent et drôle à la fois. Ici encore, l’esthétisme photographique, les mouvements de caméra, transforment le cinéma en œuvre visuelle intense.

The New Real Book est un gros recueil de standards de jazz très pratique avec sa notation de ligne mélodique et des accords. Une bible pour tous les pianiste jazz (j’ai commencé à 9 ans) dans lequel il y a plein de morceaux que j’adore jouer et improviser : Monk’s mood de Thelenious Monk, Re: Person I knew de Bill Evans, etc. C’est bien plus tard que je me suis mis à la guitare puis aux percussions.

Le premier choc musical ? C’est Pink Floyd, pourtant à 14 ans, je n’aimais pas le son de Dark side of the moon, je préférais écouter Momentary lapse of reason, mon premier CD (en 1987) avec ce son incroyable à l’époque (DDD!). Maintenant c’est le contraire ! Sur la photo, je vous présente un coffret pirate tout noir enregistré au Playhouse Theatre de Londres en 1970 Libest spacement monitor avec des titres comme Embryo, Green is the color, etc. Petite particularité de ce coffret, il y a un énorme cochon en carton qui se déplie quand on l’ouvre ! Depuis j’ai conservé un penchant pour la musique psychédélique : Grateful Dead, Jefferson Airplane, etc.

Gainsbourg, j’en ai beaucoup parlé récemment, l’Histoire de Melody Nelson et un disque que je peux écouter cent fois sans jamais me lasser : la ligne de basse, les envolées de cordes sont splendides, un coup de maître ! Ici j’ai oublié de mettre un disque des Doors ou de Patti Smith, mais je me rattrape avec Harvest de Neil Young dans une version vinyle française de 1972, les chansons y sont incroyables, poignantes. Il était une fois en Amérique, un homme, une voix, une guitare et un harmonica,
Si vous avez remarqué le petit vinyle, pochette blanche (en haut à droite sur la photo), il s’agit d’un 45 tours dédicacé de Drugstore, le groupe anglais créé par Isabel Monteiro. Je possède toute leur discographie depuis Gravity : inutile de vous dire que j’adore leur musique.
Vous avez vu la banane d’Andy Warhol ? Bien oui elle est là sur le coffret avec son sticker repositionnable. Dedans on trouve tous les albums du Velvet Underground et des maquettes pas toujours écoutables. J’avais même un portrait de Nico dans ma chambre d’étudiant, une femme fatale !

Man Ray, artiste de la lumière, a tout inventé ou presque ! Le coffret This is Man Ray est particulièrement émouvant, car en plus de contenir un petit livre reproduisant le texte de ses conférences en 1956 et 1966, il renferme un documentaire avec Juliet Man Ray sur l’atelier du photographe, un lieu encore hanté par la présence du maître et laissé intact avant sa destruction en 2008. “La porte du 2 bis rue Férou s’ouvrait sur un petit couloir ; au fond il y avait une seconde porte sur laquelle un écriteau punaisé avertissait : danger haute tension.”
Je n’ai pas pu me résoudre à me séparer de mon labo photo complet et installé à l’étage de ma maison, avec son agrandisseur Foca Autoplex (un chef d’œuvre de mécanique des années 50) un peu laissé à l’abandon. De mes années de pratique photographique et argentique, il me reste des photos de concert et la collection intégrale Time Life La Photographie en 20 volumes. Il y a aussi mon bon vieil appareil photo Nikon FA de 1973 (l’année de ma naissance !).

Après l’écriture de mon article L’histoire secrète de la sérigraphie, j’ai acheté un exemplaire de L’écran de soie écrit par Igor Pruzan : le premier manuel consacré à la sérigraphie en français. Il date de 1952 et contient des tirages en 2 couleurs, un véritable morceau d’histoire !

J’ai une fascination particulière pour le graphisme californien (surtout Saul Bass). L’exposition Earthsquakes & Aftershocks (École des beaux-arts de Rennes en 2005) réunissait des affiches créées et imprimées par les étudiants du département de design graphique de CalArts (California Institute of Arts). J’ai gardé le très beau catalogue de 160 pages et aussi le livre de Michel Bouvet East Coast West Coast. Je ne dirais pas que cette exposition a changé ma vie (quoique…), elle m’a juste mis dans la bonne direction en me donnant pour la première fois envie de m’intéresser à la sérigraphie. 10 ans plus tard, je possède avec Dezzig mon propre atelier pour imprimer des affiches en édition limitée.

Il y aussi ma paire de running Mizzuno taille 44 pour aller prendre l’air et la petite chatte qui s’appelle Moon
Ça y est, j’ai dit l’essentiel !


Stéphane Constant
Juillet 2016

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