Theo Hakola

LES ESSENTIELS DE THEO HAKOLA

Il s’agit d’une guitare – une Fender Jaguar – et trois affiches.

Je suis très attaché aux Fenders – Stratocaster, Telecaster, Mustang… all of them. C’est la chaleur tranchante et le corps dans le SON qui me touchent, qui me pénètrent. Cet attachement fenderien est sans doute pour quelque chose dans mon amour de Hendrix (vu à l’âge de 13 ans – mon premier concert de rock – à Spokane dans l’état de Washington) et du groupe new yorkais Television, deux amours aussi forts que jamais aujourd’hui. (Et sur cette guitare, il y a l’autocollant d’un bar du nord de l’Idaho – THE SNAKE PIT – qui a donné le titre V.O. de mon dernier roman, sorti en traduction française sous le titre “Idaho Babylone” chez Actes Sud en 2016).

Quant aux trois affiches… Je n’étais pas formé pour faire de la musique. J’étais plutôt éduqué pour faire de la politique, formé comme organisateur en 1972 par la campagne de George McGovern (contre Nixon), puis employé à plein temps par la U.S. Committee for a Democratic Spain à New York au milieu des années 70. Depuis le temps, et après tant de déplacements, j’ai perdu beaucoup de choses et même pas mal perdu l’attachement aux choses, mais je suis content d’avoir encore ces trois affiches.

Celle de gauche est une réédition des années 70, par les Industrial Workers of the World (IWW), d’une gravure sur bois de l’époque de la Première Guerre mondiale : “Appelés de tous les pays, unissez-vous ! Vous n’avez rien à perdre sauf vos généraux !” Mon grand-père, lorsqu’il était bucheron dans les années 20, était membre de ce syndicat.

La deuxième affiche – “Pyramid of Capitalist System”, également des IWW – est la reproduction d’une classique qui date de 1911. Et en haut, à gauche, on trouve une petite réclame pour le journal The Industrial Worker – “Foremost Exponenent of Revolutionary Industrial Unionism” – publié à Spokane, ma ville natale, et dont l’abonnement annuel était d’un dollar.

Et pour la troisième… Avant de me mettre à faire de la musique en 1980, ma vie tournait plutôt autour de l’Espagne. À Barcelone, pendant l’été de 1976, j’étais surpris de trouver une affiche citant “l’Internationale” – publiée, je crois, par le Partido del Trabajo – en vente au grand jour dans un kiosque sur las Ramblas. La transition démocratique post-franquiste avançait lentement, mais sûrement, et on n’avait bientôt plus besoin de moi. Par la suite, c’était grâce aux liens humains et politiques que j’avais avec ce pays, qu’on a invité mon premier groupe – Orchestre rouge – a jouer deux soirs au Rock-Ola à Madrid en pleine movida (1982).

Theo Hakola
Janvier 2018

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Henri Rouillier

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LES ESSENTIELS D’HENRI ROUILLER

“Ainsi les objets parlent pour les hommes. Ainsi l’être et le coeur rallient sous cape des berges immobiles. Il est vingt heures dix-sept et ma vie, c’est du temps passé à raconter des histoires qui ne sont pas les miennes. Aussi, cette photo convoque une forme de vulnérabilité à laquelle je ne m’attendais pas.

Cadenas et mitaines. Après novembre 2015, Audrey m’a dit qu’elle avait peur de prendre les transports en commun. J’ai mis cette idée loin de moi, j’ai dit que j’étais au-dessus de ça. L’année dernière, je me suis offert un vélo. Depuis le mois de décembre, si j’en crois mon compteur, j’ai roulé 996,8 kilomètres. J’ai pris seize fois le métro. Je le sais parce que je fais des bâtons sur un post-it. On est peu de choses.

« Y Revenir », de Dominique Ané. Tout est là : « La peur est mon pays. Peut-on l’écrire au titre du lieu de naissance sur la carte d’identité ? Ça me dédouanerait de mon incapacité à être courageux. J’envie ceux qui le sont. Mais la plupart le sont naturellement : leur courage n’est pas le fruit d’une lutte intérieure, il ne leur coûte rien. Je ne peux qu’avoir le cran d’accepter ma faiblesse, et d’en payer le prix, la peur, en espérant qu’elle suscite l’indulgence, et que les autres me laissent passer. »

Passeport. Il existe, il y a une issue.

Ordinateur. Ce matin, Louise m’a demandé ce que je ferais si je devais changer de métier. J’ai répondu que j’ouvrirais une salle de concert, que j’y mettrais des livres, de la bière et des gens sympathiques. Mais la vérité, c’est qu’en dehors d’écrire, je ne sais pas faire grand chose. Je ne veux pas faire autre chose.

Converse framboise. « Ce sont de bien belles chaussures, jeune homme », a dit l’homme à son ami, avec tout le dédain du monde. Il portait un costume ainsi que deux gros classeurs sur lesquels j’ai lu : « Gestion des comptes publics ». Nous étions dans l’ascenseur d’un bâtiment d’université et notre homme n’a pas pensé une seule seconde que je puisse enseigner ici. Ces Converse framboise, c’est ainsi que je débusque la bêtise sans faire aucun effort.

« Villa Triste », de Patrick Modiano. Il faut lire ce livre pour tout ce qu’il dit de l’admiration, des désillusions et du temps que l’on perd à ne pas s’aimer suffisamment.

Liseuse. Mon appartement regorge de bouquins qui s’entassent jusque sur la cheminée de ma chambre. Maintenant, je peux les mettre dans ma poche. C’est un secours de chaque instant.

Nintendo Switch. La toute première console que j’ai eue entre les mains, c’est une GameBoy rouge que mon frère et moi avons achetée à la Fnac d’Angers. Nous avons économisé pendant plusieurs mois pour parvenir à rassembler les 347 francs nous séparant d’elle. Dans le rayon, un rayon glacé m’a parcouru le dos quand je me suis rendu compte que nous n’avions pas prévu de budget pour acheter notre première cartouche. Depuis, je n’ai jamais cessé de jouer aux jeux vidéo. C’est un lien que j’ai avec mon frère Jean, certains de mes amis, mais aussi le moyen que j’ai trouvé pour interrompre le bruit du monde.

Clés. Je comprends depuis peu de temps le privilège que j’ai et l’importance qu’il y a à avoir des lieux à soi. Les murs m’incombent moins que les règles qui s’appliquent là où ils se font face. J’ai lu « Chez soi », de Mona Chollet. Depuis, j’ai laissé dans ma vie de l’espace pour la solitude.

Photos Polaroïd Mini. Islande, octobre 2014. Je vous souhaite d’être aimés par des gens comme Anne et Olivier.

J’ai laissé des espaces vides, pour les imprévus et ce qui reste à venir. Par ailleurs, sache que la musique est partout, qu’elle est tout ce que je suis. Mais je n’en ai pas parlé parce que sur une photo, on ne peut pas l’entendre.”

Henri Rouillier
Janvier 2018

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