Lisa Balavoine

LES ESSENTIELS DE LISA BALAVOINE

J’habite dans une vieille maison à Amiens où le système électrique est assez vétuste. Je me dis souvent que cette maison pourrait partir en fumée à tout moment et je me demande ce que je regretterais si un tel événement devait se produire.
Bien sûr, je serais triste car j’ai presque 48 ans de ma vie sous ce toit, mais en vrai, que me manquerait-il réellement ?
L’essentiel pour moi, ce sont les personnes qui accompagnent ma vie, mes enfants, mon amoureux, mes amis chers.
Le reste…

Sans doute serais-je triste de perdre ma bibliothèque, je tiens à mes livres comme à la prunelle de mes yeux, je les relis pourtant peu, mais je déteste les prêter, je déteste qu’on ne me les rende pas, je déteste ne pas retrouver le livre que je cherche.
Je ne voudrais pas qu’ils brûlent.
Ils sont comme ma famille.
Et puis, il y a les livres que j’ai écrits, je tiens à eux, ils sont un morceau de ma vie.

Sans doute serais-je triste aussi de perdre mes disques, surtout ceux qui me viennent de mes parents.
Mais lesquels me manqueraient réellement ? La musique, les chansons sont tellement indissociables de ma mémoire.
Ils resteraient là, en moi, quelque part.

En réalité, j’ai besoin de peu pour vivre : des litres de café, du gingembre sous toutes ses formes, une paire de boots qui brillent, un sac en tissu et des Converse, un jean. Ma paire de lunettes pour y voir clair, mon vieux Macbook pour écrire, un casque pour écouter des podcasts et la radio.
Mes meubles viennent de chez Emmaüs, aucun n’a de valeur commerciale, en revanche j’ai quelques oeuvres d’artistes, des sculptures, des photographies, ça oui j’y tiens davantage.

Mais ce à quoi je tiens par dessus tout prend peu de place : les trois bagues qui me restent de ma mère, les mots écrits de la main d’Annie Ernaux qu’elle m’a envoyés après la parution de mes livres et que j’ai encadrés, le premier cahier de chansons que mon amoureux a écrit et dessiné pour moi, les photos des personnes que j’aime.

L’essentiel est là, dans ces petites choses qui font battre le coeur.
Presque rien, tout pour moi.

Lisa Balavoine
Juillet 2022

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My essentials for Stereographics by Lisa Balavoine
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Henri Rouillier

My essentials for Stereographics © Henri Rouillier

LES ESSENTIELS D’HENRI ROUILLER

“Ainsi les objets parlent pour les hommes. Ainsi l’être et le coeur rallient sous cape des berges immobiles. Il est vingt heures dix-sept et ma vie, c’est du temps passé à raconter des histoires qui ne sont pas les miennes. Aussi, cette photo convoque une forme de vulnérabilité à laquelle je ne m’attendais pas.

Cadenas et mitaines. Après novembre 2015, Audrey m’a dit qu’elle avait peur de prendre les transports en commun. J’ai mis cette idée loin de moi, j’ai dit que j’étais au-dessus de ça. L’année dernière, je me suis offert un vélo. Depuis le mois de décembre, si j’en crois mon compteur, j’ai roulé 996,8 kilomètres. J’ai pris seize fois le métro. Je le sais parce que je fais des bâtons sur un post-it. On est peu de choses.

« Y Revenir », de Dominique Ané. Tout est là : « La peur est mon pays. Peut-on l’écrire au titre du lieu de naissance sur la carte d’identité ? Ça me dédouanerait de mon incapacité à être courageux. J’envie ceux qui le sont. Mais la plupart le sont naturellement : leur courage n’est pas le fruit d’une lutte intérieure, il ne leur coûte rien. Je ne peux qu’avoir le cran d’accepter ma faiblesse, et d’en payer le prix, la peur, en espérant qu’elle suscite l’indulgence, et que les autres me laissent passer. »

Passeport. Il existe, il y a une issue.

Ordinateur. Ce matin, Louise m’a demandé ce que je ferais si je devais changer de métier. J’ai répondu que j’ouvrirais une salle de concert, que j’y mettrais des livres, de la bière et des gens sympathiques. Mais la vérité, c’est qu’en dehors d’écrire, je ne sais pas faire grand chose. Je ne veux pas faire autre chose.

Converse framboise. « Ce sont de bien belles chaussures, jeune homme », a dit l’homme à son ami, avec tout le dédain du monde. Il portait un costume ainsi que deux gros classeurs sur lesquels j’ai lu : « Gestion des comptes publics ». Nous étions dans l’ascenseur d’un bâtiment d’université et notre homme n’a pas pensé une seule seconde que je puisse enseigner ici. Ces Converse framboise, c’est ainsi que je débusque la bêtise sans faire aucun effort.

« Villa Triste », de Patrick Modiano. Il faut lire ce livre pour tout ce qu’il dit de l’admiration, des désillusions et du temps que l’on perd à ne pas s’aimer suffisamment.

Liseuse. Mon appartement regorge de bouquins qui s’entassent jusque sur la cheminée de ma chambre. Maintenant, je peux les mettre dans ma poche. C’est un secours de chaque instant.

Nintendo Switch. La toute première console que j’ai eue entre les mains, c’est une GameBoy rouge que mon frère et moi avons achetée à la Fnac d’Angers. Nous avons économisé pendant plusieurs mois pour parvenir à rassembler les 347 francs nous séparant d’elle. Dans le rayon, un rayon glacé m’a parcouru le dos quand je me suis rendu compte que nous n’avions pas prévu de budget pour acheter notre première cartouche. Depuis, je n’ai jamais cessé de jouer aux jeux vidéo. C’est un lien que j’ai avec mon frère Jean, certains de mes amis, mais aussi le moyen que j’ai trouvé pour interrompre le bruit du monde.

Clés. Je comprends depuis peu de temps le privilège que j’ai et l’importance qu’il y a à avoir des lieux à soi. Les murs m’incombent moins que les règles qui s’appliquent là où ils se font face. J’ai lu « Chez soi », de Mona Chollet. Depuis, j’ai laissé dans ma vie de l’espace pour la solitude.

Photos Polaroïd Mini. Islande, octobre 2014. Je vous souhaite d’être aimés par des gens comme Anne et Olivier.

J’ai laissé des espaces vides, pour les imprévus et ce qui reste à venir. Par ailleurs, sache que la musique est partout, qu’elle est tout ce que je suis. Mais je n’en ai pas parlé parce que sur une photo, on ne peut pas l’entendre.”

Henri Rouillier
Janvier 2018

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