Nicolas Taglang

Mes Essentiels pour Stereographics par Nicolas Taglang


Comme bien d’autres personnes invitées ici, la musique et les livres m’occupent depuis longtemps. Un peu plus depuis 9 ans.

En 2015, j’ai un accident, je suis percuté à droite, je perds tout usage de la main et du bras. Une période rude, des mois d’arrêt, un licenciement, le boulot qui tarde à revenir, de droitier je deviens pseudogaucher. Mais aussi une période incroyablement foisonnante, je lis comme jamais, je fouille dans les discographies, je découvre et redécouvre. Un jour je tombe sur une critique abominable d’un album que j’aime beaucoup. Je me dis que je peux faire mieux. Je commence et ne m’arrête plus depuis ce jour de septembre 2019, d’abord des chroniques d’albums, puis de romans noirs et depuis début 2023 principalement des livres sur la musique.
Finalement, c’est cet accident qui me permet aujourd’hui de partager ce que j’aime, grâce à ma main gauche malhabile. Certains disques, certaines chansons, sont liés à des moments, à des instants. J’ignore quelle chanson coïncide avec cet accident, je sais simplement que ce moment infiniment court va me ramener vers la musique, aussi brutalement que ce bus m’a percuté.

J’ai voulu simplifier, réduire (au sens culinaire), pour finalement ne garder que le nécessaire. Une poignée d’albums, quelques livres, des objets rappelant des souvenirs, des moments ou des personnes.

Nicolas Taglang

 

LES ESSENTIELS DE NICOLAS TAGLANG

“Je ne comprends toujours pas d’où est sorti Joy Division.” (Tony Wilson)
Je ne sais pas comment j’ai eu Still vers l’âge de 12 ou 13 ans, je ne l’ai pas acheté, c’est une certitude.
Qu’est-ce que c’est que ces disques ? Cet album m’a longtemps impressionné, adolescent je l’écoutais
uniquement quand j’étais sûr d’être absolument seul. Presque 40 ans plus tard, Ceremony doit être la chanson que j’ai le plus écouté, que ce soit par Joy Division ou New Order.

J’ai un souvenir très vif de Changes à l’âge de 4 ou 5 ans. J’ai cette photo de Bowie depuis des années,
trouvée dans un livre, elle sert de pochette au 45t Golden Years.

Je ne suis pas Beatles, plutôt Stones, surtout Kinks. Je connaissais le groupe, leurs chansons, mais je
les avais un peu oublié, c’est ma fille qui les a remis sur mon chemin.

Quand j’ai découvert les Smiths, c’était presque terminé, et je dois bien avouer que leur séparation
m’est passée un peu au-dessus de la tête, je n’avais que 14 ans au moment des faits. Hatful of hollow
c’est la Bible.

J’ai gardé cette vieille compilation d’Otis Redding alors que j’ai à peu près tout de lui. C’est le seul qui
me fait regretter de ne pas être né bien avant pour le voir sur scène.

Quelques mois après sa sortie Bone Machine m’a vrillé les oreilles dès la première écoute, aux
premières secondes, ce premier coup de caisse claire est un séisme. J’aime tout ou presque ce que
fait Frank Black avec les Catholics, les Pixies ou en solo. Dans un registre un peu différent du gueulard
à guitares, écouter son Honeycomb est un véritable remède personnel.

J’écoute de plus en plus de musique classique, je me laisse guider par l’instinct, la chance, selon ce
que je trouve dans les bacs d’occasions. Je suis incapable d’en parler. Je sais juste que quelques uns
me font un bien fou à l’âme. Ces concertos de Mozart par Radu Lupu et la voix d’Alfred Deller sur les
Leçons de ténèbres de Couperin en sont les meilleurs exemples. Ces musiques qui traversent le temps en continuant à émouvoir ont quelque chose de rassurant.

Je sortais du service militaire, à côté de Brest. Je ne voulais plus entendre parler de cette ville, et
parmi les premières chansons que j’entends il y a Non Non Non sur Boire. Depuis j’achète les albums
de Miossec, aveuglément, affectueusement. Ses chansons m’accompagnent, certaines illustrent ce que
j’étais, ce que je suis.

Les Inmates n’ont rien de romantique, c’est pourtant durant le concert gravé sur ce disque qu’avec ma
douce nous nous sommes embrassés la première fois.

Ce portrait de la petite sainte appartenait à ma grand-mère maternelle. Il était accroché dans le lavoir
où elle travaillait. Je l’ai récupéré à sa mort, je ne l’aurais laissé à personne d’autre.

Mes béquilles : la sangle qui porte mon bras pour qu’il ne balance pas, la plaquette de cachets pour
atténuer les douleurs permanentes. Et un sac, indispensable dans mon cas, celui m’a été offert par ma
fille au retour d’un de ses voyages.

Je suis très amateur de nouvelles, de gens comme Marc Villard ou Léo Henry, d’auteurs de polars ou
de SF, mais Raymond Carver est vraiment au-dessus. Je me sens parfois tellement proche de certains
livres, certains albums, de certaines œuvres, qu’ils deviennent des personnes à mes côtés.
Ce petit Bartleby, si discret, est bien plus qu’une nouvelle ou un personnage, cette sensation d’être
toujours à côté, illégitime, m’est coutumière.

Je me suis souvent demandé comment je réagirai si à l’instar de Françoise Frenkel je me retrouvais
ballotté par les tourments de l’Histoire. Elle a tout le monde contre elle, les allemands parce que
francophile, les français parce qu’allemande. Elle sait ce qu’est se démener pour avoir une petite
place.

La vie mode d’emploi, toute une œuvre et tant de vie(s) possible(s) dans ce seul livre de Georges
Perec ; j’aurai tout aussi bien pu choisir Albert Cohen et sa Belle du seigneur ou 4,3,2,1 de Paul Auster,
je retourne régulièrement vers ces trois romans, pour quelques pages ou quelques chapitres. C’est
comme retrouver de vieux amis.

Les livres sur la musique sont l’occasion de creuser autour d’un sujet, d’un genre ou d’un groupe, d’un
album ou d’une chanson, de resserrer l’écoute et d’approfondir. J’aime le recul procuré par l’écrit. Je
ne suis plus autant avide de nouveautés musicales, je suis toujours un peu l’actualité grâce à une
poignée de sites internet et surtout grâce à des amis virtuels qui sont de véritables vigies.

Il en manque, Tony Joe White, Marianne Faithfull, Sammi Smith, Lambchop, Chris Eckman, Wedding
Present, Another life de Nadine Khouri et Veedon Fleece de Van Morrison. Jean-Patrick Manchette
pour toute son oeuvre, les récits de Mario Rigoni Stern, Franquin et ses Idées Noires, le Cycle de Hain
d’Ursula K. Le Guin. Et d’autres tas de disques et piles de livres encore. J’y ajouterai volontiers un
bermuda, une paire de tongs, une chemise hawaïenne et une casquette, ma tenue préférée, mais la
photo n’est pas assez grande.

Et puis il manque ce qui ne tient pas sur une photo, la mer que j’ai la chance infinie de contempler
chaque jour, la vie virtuelle, Dalva ma chienne.

Nicolas Taglang
Février 2024


Plus d’informations à propos de Nicolas Taglang
facebook.com/nicolas.taglang

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