Michaël Korchia

My essentials for Stereographics by Michaël Korchia
Me voici 28 ans après notre première rencontre à écrire cette bafouille, veillant à ce que l’amitié ne la fasse platement virer à l’hagiographie.
 En 1989.
 C’était en 1989. 
Mikaël Charlot et moi avions passé des annonces pour trouver un batteur et un bassiste. Michaël Korchia en jouait et avait un ami qui pratiquait la batterie. 
Bingo !
Ainsi, Michaël, nous avons inauguré les premiers trajets chaotiques, permis B fraîchement en poche, pour aller en répétition, à Saint-Ouen, dans ta première voiture (une 104 beige, si ma mémoire ne me trahit pas, mais rien n’est moins sûr), partagé les premières tentatives d’enregistrement live, premières compos arrangées en groupe, premières maquettes, premières reprises, premiers concerts. Toutes ces premières fois musicales dont l’écho pourtant lointain résonne encore en moi de manière bien vivace, comme si tout cela datait d’il y a peu.
De fil en aiguille, je revois le bâtiment où tu habitais avec ta mère, à Sarcelles, à proximité de la synagogue, tes potes du quartier – dont Dan, cet ami d’enfance incroyablement doué, qui jouait de la batterie avec nous ; un amour ce type, une crème, devenu par je ne sais quel coup de biseau de la vie un extrémiste religieux -, tes amis de fac – je revois l’un d’eux, surnommé « le patron », décédé dans un accident de voiture -, je me remémore cette excursion assez improbable en bus, un jour d’hiver moelleusement enneigé, dans un quartier piteux (en cours de réhabilitation, comme on dit) d’une lointaine banlieue aux bâtisses balafrées, vestiges pestiférés d’un passé prolétaire que les pelleteuses du modernisme urbain présentes alentour n’allaient pas tarder à rayer de la carte, excursion effectuée dans l’espoir de dégoter une vieille gratte d’occase parmi les antiques guitares acoustiques que vendait un vieux monsieur parfumé à l’urine et qui ne tarderait sans doute pas, lui non plus, à être englouti dans la béance du Temps en marche. Ce jour-là, d’ailleurs, tu avais pris des photos mais je n’ai jamais vu le résultat.
En parlant de photo, déjà à l’époque, c’était une passion bien ancrée en toi, en plus de la musique. De même que la peinture. Et si, comme tout le monde, tu t’es enrichi et ouvert à bien d’autres choses, je peux toutefois confirmer que tu es toujours resté fidèle à tes premières amours, comme l’atteste le choix des objets qui illustrent tes Essentiels : Gainsbourg et Felt forever ! Truffaut même combat ! Auraient pu figurer également sur la photo : Magritte, The Damned, Man Ray et des dizaines d’autres artistes qui t’ont marqué et construit. Je devrais ajouter à la liste ton cousin Jacques – et tu l’as fait, bien sûr ! Quelqu’un de bien, avec qui tu partageais beaucoup de choses. On avait assisté ensemble, entre autres, au festival Inrock d’octobre 1990 dans lequel jouaient Ride, Pulp, Blur et Lush ! Pas mal comme programme. Certes, pas le même jour.
Mais je m’égare.
 Bref.
 Puisqu’il est question de l’essentiel, je devrais pourtant savoir que c’est souvent dans le dépouillement et la retenue plutôt que dans l’effusion qu’il s’exprime le mieux. À l’image de ce que tu as retenu pour ta photo, Michaël. — Didier Duclos

LES ESSENTIELS DE MICHAËL KORCHIA

J’ai tendance à accumuler beaucoup d’objets chez moi, achetés dans des vides-greniers, sur ebay… Je possède une centaine d’appareils argentiques, parfois très anciens, une dizaine de basses… Je sais, c’est n’importe quoi !
Pour mes Essentiels, j’ai décidé de me restreindre : un seul objet par thème. Et pas trop de thèmes.

Ma maison : j’aime beaucoup la maison que j’occupe depuis une dizaine d’années, elle a un charme et une identité assez rares. Vous n’en verrez que le parquet, mais on peut apercevoir d’autres pièces sur 2 vidéos que j’ai réalisées il y a quelques années (1 & 2), et aussi sur des portraits que j’y ai faits.

J’ai réussi à inviter mon vieux chat Booly sur la photo. Il s’est montré peu coopératif mais j’ai pu arracher cette photo avec lui. La photo n’est pas très équilibrée (la partie inférieure droite est vide) mais il y trône, indifférent et hautain, & c’est déjà pas mal.

Comme je l’ai dit plus haut, je possède plein de basses et d’appareils photos. Cette basse, au doux nom de Krunk 75, n’est pas celle à laquelle je tiens le plus, mais elle est la plus étrange : un modèle fabriqué à Eyrevan, en Arménie soviétique, entre 1973 & 1974. Elle est marron foncé à paillettes, en légère forme de violon. Je me prends à rêver qu’elle a peut-être accompagné le Claude François local sur scène. Le manche n’est pas des plus faciles à jouer mais elle a un son très appréciable. Je l’ai pas mal utilisée sur l’album de Photon, pour obtenir un son assez proche de ce qu’on retrouve chez Cure ou Siouxsie and the Banshees.

On continue dans le bloc communiste avec cet appareil Ami 66. C’est un objet fabriqué vers 1966 (logique) en Pologne, avec deux caractéristiques que j’aime bien : le orange avec cet animal étrange en logo, et le contour de l’objectif à pois, très Pop Art. J’ai lu que le nom Ami a été choisi pour sonner français, notre pays étant assez en vogue à l’époque chez les polonais. Je l’ai utilisé sur une seule pellicule.

Je suis un grand fan de François Truffaut, son cinéma me touche et m’émeut de manière singulière. La saga Doinel est au dessus de tout. Ici figure le livret de la très belle expo qui lui était consacrée à la cinémathèque. J’ai inclus sur le morceau un dialogue extrait de Domicile conjugal (dont on peut voir le poster sur deux des vidéos dont j’ai donné le lien plus haut).

Basse arménienne de 1974, carte téléphonique Sesame’s Street, appareil photo Pop Art polonais Ami 66, chocolat aux épices, micro Philips des 50s,
expo François Truffault, fanzine sur Felt, le parquet de mon salon & mon chat Booly.

J’adore le chocolat, j’adore les épices… On devine sur la basse une mini-tablette de chocolat noir au poivre rose, un régal. Sa provenance me tient à cœur.

Je suis fan sincère & enthousiaste des Muppets, de l’Ile aux Enfants, de Sesame’s Street… Notamment de Ernest et Bart. Avec mon groupe Mumbly, à la fin des années 90, j’ai même fait un album en clin d’œil à Ernest. Suite au décès accidentel de mon cousin Jacques Gabay, en été 2015, je suis parti chez lui ranger son appartement. J’ai récupéré des disques de groupes pour lesquels on s’était enthousiasmés ensemble, Stereolab, les Wedding Present, Saint Etienne, les Smiths.. Le billet de son dernier concert, Blur, à Londres… Et aussi cette carte néerlandaise de téléphone, qui me faisait envie depuis 17 ans, et sur laquelle on retrouve mes héros de Sesame’s Street.

J’ai acheté ce micro Philips des années 50 sur un vide-grenier, pour 5 Euros. Je possède, comme vous l’avez compris si vous avez eu le courage de tout lire, pas mal de vieilleries chez moi, & notamment des objets Philips, une marque dont le design a souvent été très élégant : un magnéto à bandes & une lampe à UV des 50s, des micros… C’est incroyable, mais j’ai testé ce micro et je l’ai comparé avec d’autres modernes, bien plus chers. Je n’utilise plus que celui-là pour les prises de voix (et j’en ai d’ailleurs racheté 3 sur ebay depuis, au cas où).

Pour finir, je ne voulais qu’une seule référence dans cette photo à un groupe ou à un chanteur… Alors, Serge Gainsbourg ou Felt ? C’est le groupe de Birmimgham qui a gagné. Cela fait 30 ans que la musique de Lawrence, loser magnifique, m’accompagne & m’inspire… Plutôt qu’un disque, j’ai inclus un fanzine à la très jolie couverture (j’aurais pu mettre à la place le livre de JC Brouchard qui a présenté ses Essentiels il y a peu).

Et donc, pas de vinyle ou de CD sur cette image, je n’écoute plus que des 0 & des 1.

Michaël Korchia
Octobre 2017

Plus d’informations sur Michaël Korchia
www.facebook.com/michael.korchia


My essentials for Stereographics by Michaël Korchia
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