LES ESSENTIELS DE BLANDINE BESCOND
Pour respirer, je n’ai pas seulement besoin d’air. Il me faut aussi une combinaison de paysages, de liens invisibles, d’êtres chers. Mes essentiels sont des chemins de traverse, des pleins, des vides, des affects, des rêves, des rivages. Je pourrais vous parler de mon cabinet de curiosités imaginaire, dans lequel je collecte l’eau et les rochers dévorés par l’eau, le vent, le sable, les grains de pluie. Je pourrais vous parler de ces filaments, lichens, cailloux, graines, coquillages, phrases, photographies, dessins d’enfants qui parsèment mon petit monde (et mon bureau). Je pourrais vous parler des éternels questionnements, de la peur au ventre, des vertiges, de l’amour que je dissimule sous mes vêtements. Je pourrais vous parler du silence que je garde dans mon poing fermé, un silence aléatoire, beau et fragile, qui résonne entre tous ces éléments.
Il existe des objets auxquels je tiens beaucoup (trop) et le poids des souvenirs qu’ils m’évoquent me plonge souvent dans une mélancolie tenace. J’envie mon père qui du haut de ses quatre-vingt printemps s’est séparé de la plupart de ses biens matériels, jusqu’à sa propre maison. Il rêve désormais de finir ses jours en Polynésie au bord du lagon, sans autre occupation que la contemplation de la nature. Tendre au déblaiement radical, sortir de soi pour être enfin libre, heureux. Et faire circuler l’air.
1- La toute petite boussole offerte par mon père quand j’étais étudiante. « Pour ne jamais perdre le nord » m’a-t-il dit à l’époque. Sauf que je n’ai pas le sens de l’orientation.
2 – Les végétaux glanés ici et là, notamment ces barbes de vieillards, appelées aussi filles de l’air, recueillies lors de mon récent voyage à Tahiti. C’est l’arbre que j’aime le plus au monde. J’ai l’impression qu’il me protège, même à distance.
3 – Un haut noir, si possible avec de la dentelle. Je ne porte quasiment que du noir depuis mon adolescence. J’assume pleinement ce côté dark.
4- La broche-papillon trouvée dans une brocante, comme un portrait de ma mère. Quand je croise un papillon, je sais que c’est elle qui me fait signe.
5- Une bouteille de sauce aigre-douce. Parce qu’il y a toujours une touche exotique dans les plats que je cuisine, réminiscence de mon enfance passée à l’autre bout du monde.
6- Des branches de corail. Une légende polynésienne raconte que le bruissement de corail peut tout détruire en une seule nuit. On se réveille alors sur une plage désolée, jonchée de vase, de poissons morts, de coraux morcelés, blanchis. Mais la nuit suivante, ce qui est issu des ténèbres subit une soudaine métamorphose et au petit matin, l’île retrouve toute son abondance, sa splendeur.
7- Un recueil de poèmes. Mais lequel choisir ? Peut-être un ouvrage d’Emily Dickinson. Ses éclats fragmentés me foudroient. Je ne lis quasiment que de la poésie. J’ai l’impression qu’elle me maintient en vie.
8- Ma cassette de The Cure. Mon premier gros choc musical. L’album Disintegration reste à ce jour mon album préféré de tout l’univers.
9- Un appareil photo argentique. La photographie me permet d’entrer dans la beauté et le chaos du monde, d’apprivoiser sa lumière, ses ombres.
10- Un carnet d’écriture. Je pratique l’écriture depuis l’âge de huit ans. J’ai pris l’habitude de noter mes pensées les plus secrètes et les plus étranges, mais aussi des ébauches de poèmes, des citations, des extraits de livres, les jolis mots de mes enfants. Pour autant, je ne relis ces carnets que très rarement.
Blandine Bescond
Juin 2025
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Mes Essentiels pour Stereographics par Blandine Bescond
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