Matthieu Malon

My essentials for Stereographics © Matthieu Malon

LES ESSENTIELS DE MATTHIEU MALON

A force de répéter que je ne suis pas matérialiste, je me rends compte – en répondant à ce petit exercice – qu’il y a finalement des objets auxquels je tiens et qui forment mon quotidien.
Ce fut relativement aisé de les rassembler et, contrairement à mes craintes, je n’ai pas eu besoin de retourner la maison, ils sont bien là, à portée de main tous les jours.
Et même si je ne les touche pas régulièrement – pour certains – ils me sont tous indispensables.

Ma Guitare préférée
C’est un modèle plutôt rare de Fender Telecaster. Je l’ai découverte un jour de l’an 2000 dans un magasin de Pigalle à Paris. A l’époque, elle était neuve et je n’avais pas les moyens de l’acheter. 2 ans plus tard, ayant économisé et cette fois-ci décidé à m’acheter une bonne guitare, je suis retourné dans le même quartier (mais dans un autre magasin) et je suis tombé nez à nez avec elle… Exactement la même ! C’était une chance incroyable (le destin ?) et depuis c’est la guitare qui me suit partout, à la maison, en studio, sur scène. Certains la surnomment “doudoune” et je l’aime d’amour.

Un casque
Vivre en ville et faire de la musique bruyante, c’est rarement compatible. Et quand en plus on travaille la nuit, il faut un bon casque, précis et qui ne fatigue pas les oreilles. Celui-ci est irréprochable et m’évite pas mal de querelles inutiles avec mon voisinage.

Une Magic 8 Ball
Je ne suis pas du tout superstitieux, je ne lis jamais l’horoscope mais j’avoue que je lui demande souvent conseil à cette boule, comme ça juste pour voir. Elle trône dans le salon, je l’ai ramenée d’un voyage à Los Angeles, elle parle donc anglais, mais on trouve désormais une version française depuis quelques années par chez nous !

Des livres
Je lisais beaucoup, je lis moins. C’est un constat qui me rend souvent triste et j’essaie de m’aménager du temps disponible pour lire. Avec mon grand âge, je m’endors au bout de quelques lignes le soir dans mon lit, alors il faut trouver d’autres moments dans la journée. J’aime particulièrement la littérature américaine et John Fante est sans doute l’écrivain qui m’a le plus touché ces 30 dernières années.

Un Ipad
Je m’arrange avec le temps mais je reste un geek. Ca fait râler pas mal de proches, ça me fait râler aussi parfois, mais je suis accro aux machines depuis des années. J’ai eu mon premier ordinateur au collège (un TO7) et au fil du temps j’ai adoré bidouiller des boites à rythmes, des ordinateurs, des samplers, des pédales d’effet, des synthétiseurs etc… L’arrivée de l’Ipad a été une vraie bénédiction pour moi car c’est l’outil parfait, nomade, qui me permet de rassembler toutes ces passions dans un seul outil ultraportable. Ca n’a vraiment rien d’un gadget, comme je l’entends dire souvent. Grâce à lui, j’écris, je compose, je programme des rythmes, des mélodies, je fais des démos, je programme des séquences pour mes concerts. Je lis aussi, je vais sur internet, je regarde des films ou des séries, où que je sois. Il me serait bien difficile de m’en passer…

Des films
Mes parents ont eu très tôt un magnétoscope et j’enregistrais beaucoup de films. J’ai été un spectateur assidu entre 15 et 30 ans. J’allais beaucoup au cinéma, j’achetais des dvd etc… Comme pour la lecture, j’ai moins de temps à y consacrer alors je suis plus sélectif. Mes goûts n’ont pas grand chose d’original et je suis un adorateur (pas très objectif) de Brian de Palma, ce doit être un des rares réalisateurs dont j’ai vu tous les films. J’aime aussi beaucoup les dvd et documentaires musicaux.

Des disques
La musique, c’est toute ma vie. Depuis tout petit d’abord comme auditeur, j’ai ensuite appris le piano dès 6 ans avec un professeur qui m’a donné l’amour de la musique et des mélodies. Du plus loin que je me souvienne, j’ai également toujours chanté, pour moi d’abord, pour des repas de famille, pour un petit magnétophone que mes parents m’avaient acheté… La musique a toujours rempli mon quotidien.
Il y avait pas mal de disques chez mes parents et j’ai acheté mon premier à 10 ans : c’était “Beat It” de Michael Jackson, au centre commercial du coin. Depuis, j’achète toujours beaucoup de disques, il y en a partout dans la maison et j’espère que ça va durer encore longtemps !

Matthieu Malon
Octobre 2017

Plus d’informations sur Matthieu Malon
www.facebook.com/matthieu.malon
www.matthieumalon.fr
www.breakingthewave.fr


My essentials for Stereographics by Matthieu Malon
© Matthieu Malon / All rights reserved / Reproduction prohibited without permission of the author

Michel Valente

My essentials for Stereographics ©Michel Valente

LES ESSENTIELS DE MICHEL VALENTE

Je n’ai pas réfléchi longtemps pour choisir mes essentiels. Par contre, je me suis longtemps questionné pour savoir comment j’allais les représenter ces essentiels. Après des semaines de tâtonnements, d’expérimentations, d’échecs, j’ai finalement choisi cette image que je m’imagine être un négatif de mes essentiels. Un négatif de moi-même.

Dr MARTENS : Je ne m’imagine pas vivre sans une paire de Dr Martens. Les chaussures parfaites. Celles-ci, ce sont les premières que j’ai juré à ma mère de garder toute ma vie.

Feuille BLANCHE / Feutre NOIR : Brel disait que sans travail, un don n’est rien qu’une sale manie. Je ne sais pas si j’ai un don mais oui, j’ai une sale manie : celle de dessiner partout sauf chez moi. En cours, en réunion, au bureau. Partout où je ne devrais pas. Le bruit du feutre sur la feuille a sur moi, le même effet que le diamant se posant sur le vinyle. Il m’apaise.

Fernando PESSOA / Le livre de l’intranquillité : Daniel Darc disait que plus fort que ce livre, il n’y avait pas. Je l’ai lu, c’est certain, où je ne sais pas, impossible de retrouver l’interview. Peut-être l’a-t-il dit pour d’autres livres, peu importe. Quand je dessine au bureau, je pense souvent à Pessoa et plus particulièrement à son hétéronyme, Bernardo Soares, le personnage du Livre de l’intranquillité. J’aimerai que mes dessins aient la même force que ses écrits même si je sais que c’est un vœu pieux.

AMALIA Rodrigues / Canta Portugal : Pour ne pas oublier d’où je viens. Pour ne pas oublier d’où vient ce disque. Pour cette pochette mélancolique qui résume à elle seule, la saudade. Parce que cette saudade vieille de plusieurs siècles et qui coule dans mes veines m’a, j’en suis convaincu, conduit vers cette pop mélancolique que j’aime tant.

MOTOWN Complete Singles / 1966 : Non pas pour ce que représente 1966 dans l’histoire de la pop mais plutôt parce que ce coffret contient mes deux chansons préférées de la Motown : Heaven must have sent you et Beauty is only skin deep. Ce ne sont pas les plus grandes chansons de ce label incroyable. Ni les plus belles d’ailleurs. Seulement mes plus belles à moi.

Un JEAN : J’ai une quantité, comment dire, non négligeable de jeans. Je me suis mis à les acheter comme les disques : avec obsession.

Une paire de TONGUE : Je souffre tellement des pieds qu’il m’est impossible d’imaginer une vie sans tongue. Plus qu’essentiel, indispensable.

Bret Easton Ellis / LUNAR PARK : Le livre que j’aurai aimé écrire.

Yves Adrien / Novövision : Un livre qui est plus qu’un livre. C’est une œuvre d’art. Rien de moins.

Un Tire-BOUCHON : Pour le plaisir d’ouvrir une bouteille de vin.

Une boîte avec les dents de laits de mes ENFANTS : Je sais que plus tard, quand ils seront partis, je regarderai cette boite pour me souvenir de leurs rires d’enfants.

BIRDIE / Some Dusty : C’est le disque vers lequel je reviens le plus souvent. Il est, pour moi, mon disque parfait. Il est la synthèse de mes obsessions musicales. L’élégance et la douceur de cette voix féminine, la mélancolie des refrains, la douceur des instruments. Ce disque est un rêve. Ou plutôt, allez soyons égoïste, mon rêve musical qui serait devenu réalité.

FELT / Let The Snake Crinkles Their Head To Death : Dans la liste de mes projets que je ne réaliserai jamais, il y a ce film sur l’enfance. Je n’ai pas l’histoire précise je n’ai en tête que la scène d’ouverture : Le printemps. L’après-midi. Un enfant sur un vélo, zigzaguant. Musique de fond, Song for William S. Harvey.

Elvis PRESLEY / The Complete 50’s Masters : Louis Skorecki a écrit que le rock était né en 1954 et mort en 1958. Je ne voyais pas où il voulait en venir jusqu’au jour où j’ai découvert les Sun Sessions d’Elvis Presley. J’ai alors compris où il voulait en venir. Je ne peux que lui donner raison.

IPHONE : Comment je faisais avant ?

IPOD : Xavier de Maistre a écrit Voyage autour de ma chambre, je rêverai d’écrire Voyage avec mon Ipod.

Un appareil PHOTO : Pour enfin, franchir le pas et oser l’argentique.

The SOPRANOS : Ma madeleine de Proust.

Jean-Jacques SCHUHL / Intégrale : Il est à la littérature ce que The Velvet Underground est à la musique. Un monument. Peu de personnes ont lu Rose Poussière mais tous ceux qui l’ont lu se sont lancés dans la littérature.

The VELVET Underground / Peel Slowly and see : Ils sont à la musique ce que Jean-Jacques Schuhl est à la littérature. Un monument. Peu de personnes ont acheté The Velvet Underground & Nico mais tous ceux qui, à l’époque, l’ont écouté ont monté un groupe.

Une CRAVATE : Je ne conçois plus de me rendre sur mon lieu de travail sans porter une cravate.

The BEATLES / Intégrale MONO : Qui n’a pas écouté Rubber Soul en Mono n’a jamais écouté Rubber Soul.

Un badge MONO : Parce que Phil Spector.

Marvin GAYE / Let’s Get It On : Marvin Gaye au somment de son art. Amoureux. En souffrance.

Un tourne-DISQUE : Tourne, tourne et tourne encore.

Louis SKORECKI / D’où viens-tu Dylan ? : J’aime le Louis Skorecki qui parle cinéma mais je préfère le Louis Skorecki qui parle musique et ce petit livre sur Bob Dylan, recueil d’articles sur le bonhomme, est non seulement fascinant mais il est, outre un autre regard sur Dylan, une porte d’entrée vers d’autres musiques.

Jean-Pierre GEORGE / Le Diable et la Licorne : Un livre d’une élégance rare. Un livre culte.

Sharleen SPITERI / Melody : Le plus beau des disques-hommages. Et puis, il y a cette pochette, magnifique, qui résume à elle seule toute la musique que j’aime.

The RONETTES / Presents Veronica : Pour, entre autres mais surtout, le cataclysmique Be My Baby, sommet inatteignable de la pop.

Otto PREMINGER / Le Cardinal : Dans cette fresque humaine, il y a les deux plus beaux, les deux plus admirables, les deux plus douloureux portraits de femmes que j’ai vu au cinéma. Romy Schneider n’a jamais été aussi belle et émouvante. Jamais.


Michel Valente
Mai 2016

Plus d’informations sur Michel Valente
www.facebook.com/michel.valente

My essentials for Stereographics by Michel Valente
© Michel Valente / All rights reserved / Reproduction prohibited without permission of the author

Cédric Rassat

My essentials for Stereographics © Cédric Rassat

LES ESSENTIELS DE CÉDRIC RASSAT

Bon, c’est un peu en désordre, mais je pense c’est aussi comme ça que fonctionne ma mémoire : en vrac et par associations d’idées. Bref… J’ai surtout choisi des films et des disques, parce que je n’ai pas le même rapport de familiarité avec les romans. En fait, j’y reviens moins. Or je pense que c’est en revenant vers certaines œuvres qu’on s’en nourrit le mieux. En tout cas, pour moi, c’est comme ça…

Sur cette photo, il y a beaucoup de choses, donc j’y vais au feeling, en partant du haut, à gauche.

  • MOJO : Mojo a longtemps été, pour moi, le magazine de rock de référence. C’était un magazine sérieux, très documenté, bourré d’informations et de récits passionnants. Aujourd’hui, je le lis plus distraitement, mais ça reste un titre qui m’accompagne depuis plus de vingt ans, donc…
  • Paris, Texas de WIM WENDERS : Ce film m’accompagne depuis le lycée. Wenders n’est pas un cinéaste que j’aime particulièrement, mais Paris, Texas est vraiment une œuvre à part. Je crois qu’en plus d’être un chef-d’œuvre, c’est surtout un film qui regarde l’Amérique comme j’ai envie de la regarder, c’est-à-dire avec les yeux d’un Européen fasciné par la splendeur des grands espaces, par la magie captivante des bords de route, des non-lieux, etc. Il y a aussi de ça dans Zabriskie Point d’Antonioni, d’ailleurs… Bref, plus les années passent et plus j’aime ce film.
  • THE STOOGES Fun House : J’ai dû acheter ce disque dans cinq ou six versions différentes. J’en ai gardé trois : le double CD, le vinyle et le coffret des sessions. J’adore Iggy Pop et les Stooges, mais je crois que Fun House est mon album de rock préféré dans l’absolu. C’est un disque que j’écoute depuis le lycée et qui ne vieillit vraiment pas. C’est de la sauvagerie à l’état pur.
  • Lost Highway de DAVID LYNCH : A l’époque, j’étais déjà fan de Blue Velvet et de Twin Peaks, mais Lost Highway avait été un grand choc, notamment pour sa façon de se réapproprier les codes du film noir. On parle souvent de Mulholland Drive mais, pour moi, le film qui a le plus révolutionné le cinéma de Lynch c’est Lost Highway.
  • NEIL YOUNG Harvest: Encore un disque qui m’accompagne depuis le lycée… J’adore Neil Young, mais Harvest est vraiment un album à part. Chaque fois que je l’écoute, j’ai l’impression de revenir à la maison. Et je ne pense pas que ce soit lié au fait que je l’écoute depuis près de trente ans. Je crois que c’est vraiment lié au son du disque, à son identité. Pour moi, c’est un album parfait.
  • Salo ou les 120 journées de Sodome de PIER PAOLO PASOLINI : J’ai dû voir ce film cinq ou six fois et dans des contextes très différents : en VHS, plusieurs fois en salle, en DVD… Dès le départ, il m’a semblé important de le démystifier, de le sortir de sa réputation de film insoutenable, etc. C’est l’une des œuvres les plus politiques que je connaisse, mais c’est surtout un film auquel je fais constamment référence. Pour moi, Salo rend sensible l’idée d’un monde qui a perdu toute forme d’humanité et où tous les personnages, même les bourreaux, sont sans avenir. C’est un film incroyable.
  • THE VELVET UNDERGROUND White Light/White Heat : C’est mon album préféré du Velvet. Le premier est évidemment un monument, mais certaines ballades ont fini par m’agacer. Alors qu’avec White Light/White Heat, pas de souci : on est vraiment au cœur de la démence et du génie visionnaire du Velvet Underground. Et, là encore, comme pour Fun House, le disque ne semble pas vraiment daté. Au contraire, même…
  • Pierrot le fou de JEAN-LUC GODARD : Très honnêtement, je ne sais pas si j’aurais autant aimé le cinéma si je n’étais pas tombé, assez tôt, vers 18-19 ans, sur les films de Godard, et plus spécialement sur celui-ci. C’est de la poésie pure, un film d’une liberté folle, mais aussi un film libérateur, qui donne envie d’écrire, de créer, et qui, surtout, donne le sentiment que tout est possible. Et puis, c’est aussi un film qui, tout en étant absolument intemporel, réussit à parfaitement saisir l’esprit de son époque.
  • Out of the Blue de DENNIS HOPPER : Out of the Blue est le film le plus punk que je connaisse. Dennis Hopper l’a réalisé à 43 ans pour se rapprocher de sa fille et mieux comprendre la musique qu’elle écoutait. Il a puisé une partie de son inspiration dans les meilleures chansons de Rust Never Sleeps de Neil Young & Crazy Horse et il a développé un récit nihiliste au dernier degré.  Toutes les séquences de ce film sont saisissantes. C’est génial.
  • LOVE Forever Changes : Ce disque, c’est quand même un OVNI complet. Surtout si on le replace dans le contexte de l’époque, sur la scène de Los Angeles, encadré par les disques des Doors, des Byrds, etc. Comment un groupe comme Love, par ailleurs très bon, a-t-il pu accoucher d’une œuvre aussi radicalement intemporelle et visionnaire ? Ça reste une énigme. Ce qui me frappe le plus, aujourd’hui, c’est la maturité hallucinante de ce disque. On a l’impression que ces musiciens ont cinquante ans de carrière derrière eux, alors qu’en fait Arthur Lee avait à peine 22 ans (!!!) quand Forever Changes est sorti. C’est stupéfiant, quand on y pense…
  • Heaven’s Gate de MICHAEL CIMINO : La version longue de Heaven’s Gate m’accompagne depuis sa première sortie en salles en 1989. Depuis, j’ai dû le revoir une dizaine de fois, dont trois en salle (en fait, j’y retourne dès que j’en ai l’occasion). Ce qui est fascinant avec ce film c’est qu’en plus d’être une fresque magnifique, il s’agit aussi d’une œuvre profondément ancrée à gauche. Et je pense que si le film a été à ce point rejeté par la critique américaine, à l’époque, ce n’est pas à cause de sa longueur ou de ses supposées faiblesses (il n’en a pas vraiment, de toute façon), mais bien parce qu’il était complètement à contre-courant de l’époque. En gros, Cimino venait de réaliser un film communiste, dans lequel les riches et les patrons font littéralement assassiner les pauvres pour ne pas être, eux-mêmes, touchés par la famine, et il faisait ça au moment même où Reagan et tous les excités du libéralisme étaient en train de prendre pouvoir aux Etats-Unis. Je crois qu’en dehors de l’époque du maccarthysme, le début des années 80 était probablement le pire moment pour sortir un film comme celui-ci. C’est complètement fou, quand on y pense !
  • ELDORADO : Je me suis occupé de ce magazine pendant une grosse vingtaine de mois. J’ai été le rédacteur en chef des sept premiers numéros (il y en a eu deux autres dans l’année qui a suivi mon départ). Ça reste une aventure marquante, forcément… D’abord parce que c’est évidemment passionnant de créer un magazine, comme ça, ex nihilo, mais aussi parce qu’à deux ou trois exceptions près l’équipe était vraiment super : des mecs talentueux, très investis, passionnés de musique… Je me souviens qu’on avait souvent bossé comme des fous, et parfois même comme des zombies, pour essayer de boucler les numéros à peu près dans les temps. On avait un peu tâtonné sur les trois premiers numéros mais, ensuite, à partir du 4, le magazine avait commencé à devenir vraiment intéressant. Quand je suis parti, après le numéro 7, Eldorado était en plein développement : les annonceurs étaient présents, les abonnés étaient ravis… Mais disons qu’il y avait de gros désaccords avec le directeur de publication.
  • NICK DRAKE Five Leaves Left : Comme beaucoup, j’ai découvert Nick Drake à la fin des années 80 avec la compilation Heaven in a Wild Flower. C’est toujours fou de se dire qu’une œuvre aussi majeure ait pu rester ignorée pendant près de vingt ans et devenir aussi incontournable à partir de quelques rééditions. En tout cas, Five Leaves Left est son meilleur album, selon moi.
  • Goodfellas de MARTIN SCORSESE : Je crois qu’on a oublié à quel point Goodfellas était révolutionnaire, à l’époque. Pourtant, ce que Scorsese et Thelma Schoonmaker ont inventé là, ce système narratif en effervescence permanente et basé sur un scénario foisonnant d’infos et de personnages, sur une caméra toujours en mouvement, sur un montage hyper dynamique et une bande-son qui semble ne jamais s’arrêter, c’est vraiment du génie pur ! En tout cas, ce n’est pas un hasard si Scorsese a calqué un bon nombre de ses récits ultérieurs (Casino et The Wolf of Wall Street, notamment) sur ce modèle.
  • ELVIS PRESLEY From Elvis in Memphis : J’adore ce disque. Pour moi, c’est le sommet de la carrière d’Elvis et une synthèse de tout ce que j’aime : la soul, la country, etc. Et puis, ce disque marque aussi l’apogée du studio American de Memphis, celui où ont été enregistrés Dusty in Memphis, les disques des Box Tops et beaucoup d’autres… J’ai interviewé cinq ou six musiciens de ce studio ; tous étaient présents lors de l’enregistrement de ce disque. C’est toujours fascinant de les écouter et de se dire qu’ils ont enregistré avec Elvis et, surtout, qu’ils ont enregistré des trucs aussi extraordinaires que “Suspicious Minds”,“In the Ghetto” ou “Long Black Limousine”.
  • India Song de MARGUERITE DURAS : Je l’ai découvert très tardivement, mais je crois qu’avec Into the Abyss de Werner Herzog, India Song est le film qui m’a le plus impressionné ces quatre ou cinq dernières années. J’avais déjà beaucoup d’admiration pour Duras en tant qu’écrivain, bien entendu, mais je n’imaginais pas que son cinéma pourrait être aussi fort. Elle n’est vraiment pas un écrivain passé au cinéma ; c’est une cinéaste de première envergure ! Bref, depuis, j’ai hâte de découvrir le reste de sa filmographie.
  • THE BEATLES Pepper’s Lonely Hearts Club Band : Il était évidemment impossible de ne pas choisir un disque des Beatles. Pour moi, Sgt. Pepper est le dernier album sur lequel les quatre musiciens fonctionnent encore ensemble et vont dans la même direction. Je trouve que ce disque n’a rien perdu de son charme, sans doute parce qu’il a toujours eu, à la base, quelque chose d’un peu désuet et intemporel. Je trouve qu’il y a, dans ce disque, un enthousiasme et une spontanéité que les Beatles n’ont plus jamais retrouvés, ensuite. Même s’ils ont fait d’autres grands disques, bien entendu…
  • Sunset Boulevard de BILLY WILDER : Déjà, j’adore l’intelligence et la liberté de ton des scénarios de Billy Wilder. Pour moi, il a vraiment été l’un des auteurs les plus modernes de l’âge d’or de Hollywood. Et puis, Sunset Boulevard est un film extraordinaire dans lequel je retrouve à la fois le Hollywood classique et des œuvres plus contemporaines comme celles de David Lynch (qui a énormément puisé dans ce film). Bref, c’est un chef-d’œuvre.
  • BOD DYLAN Highway 61 Revisited : J’aurais pu en choisir un autre (Blood on the Tracks ou John Wesley Harding, notamment), mais celui-ci est quasiment son meilleur, donc… Je ne crois pas être fan de qui que ce soit, mais Dylan est un peu l’exception. En fait, même ses effondrements créatifs me semblent aussi intéressants, donc…
  • Les films français de LUIS BUNUEL : J’ai revu certains de ces films (ceux qu’il a écrits avec Jean-Claude Carrière), récemment, et je me suis régalé. En fait, j’ai réalisé que Le Charme discret de la bourgeoisie était sans doute l’un de mes films préférés, dans l’absolu, et que Buñuel était probablement parmi les cinéastes qui m’ont le plus marqué. En revoyant ces films, j’ai été frappé par leur intelligence, leur audace et leur légèreté. Sur le fond, un film comme Le Charme discret… est complètement subversif, iconoclaste et très politique, mais le ton badin et la légèreté du traitement permettent de tout faire passer avec humour et élégance. C’est malheureux à dire, mais, aujourd’hui, les films de Buñuel seraient certainement refusés partout. Ils ont été remplacés par les constructions enfantines et totalement inoffensives de Quentin Dupieux. C’est d’autant plus regrettable qu’un film comme Réalité, par exemple, ne parle de rien, sinon de l’esprit de son créateur, alors que ceux de Buñuel étaient, au contraire, entièrement axés sur le monde réel, un monde qu’ils ne cessaient de provoquer, de remettre en question, etc. Bref, tout ça pour dire qu’on n’a vraiment pas gagné au change.
  • CAHIERS DU CINEMA : J’ai été abonné pendant une douzaine d’années aux Cahiers. C’est vraiment la revue qui accompagné ma vie de cinéphile. J’ai aussi choisi cette couv’ à cause de Fassbinder, un cinéaste capital, selon moi.
  • Identification d’une femme de MICHELANGELO ANTONIONI : Antonioni est un de mes cinéastes préférés. Des films comme The Passenger, Zabriskie Point ou Le Désert rouge ont été de vrais chocs, à l’époque où je les ai découverts. Mais, avec le recul, je pense qu’Identification d’une femme est celui que je préfère, parce qu’à ce stade Antonioni avait fini par se libérer de toute forme de posture et son langage visuel, fait de temps morts, de silences et de visions parfois étranges et inattendues, avait fini par se fondre très naturellement dans son approche du récit filmé. Pour moi, Identification d’une femme est peut-être son meilleur film (avec L’Avventura), parce que c’est le plus personnel. Enfin, c’est mon avis…
  • DORIS DUKE I’m a Loser : J’ai toujours écouté beaucoup de soul. I’m a Loser est un chef-d’œuvre que j’ai découvert grâce aux commentaires élogieux de Dave Godin. Doris Duke n’a enregistré que trois albums au total, dont deux grands disques avec Swamp Dogg : celui-ci et A Legend in Her Own Time. I’m a Loser est une sorte d’album-concept centré sur une histoire d’adultère et, plus précisément, sur le personnage de la maîtresse, “The Other Woman”. Les arrangements de Swamp Dogg sont absolument hallucinants, l’interprétation de Doris Duke file régulièrement la chair de poule… Ce disque a déjà 45 ans. A un moment, il va bien falloir qu’il trouve son public, car c’est vraiment l’un des plus grands albums de l’histoire de la soul !
  • Dave Godin’s Deep Soul Treasures, vol. 1 : Cette compilation de ballades rares et absolument déchirantes est probablement l’un des meilleurs disques de soul que je connaisse. La sélection de Dave Godin est vraiment parfaite et m’a notamment permis, à l’époque, de découvrir des artistes comme Dori Grayson, les Knight Brothers ou The Incredibles. Les trois autres volumes de cette série, tous dirigés par Dave Godin, sont également indispensables, à mon avis.
  • PAPA M Whatever, Mortal : Voilà un disque complètement intemporel, à mi-chemin entre l’acid folk et une certaine forme de country ancestrale. Il y a aussi des traces de pop et de rock plus contemporains… J’aurais aimé que David Pajo aille un peu plus loin dans cette direction, même s’il aurait forcément été difficile de faire mieux que ce disque.
  • Shoah de CLAUDE LANZMANN : La découverte de ce film (dont je n’avais vu que des bouts), en salle, à l’Institut Lumière, pendant un long week-end, début 2010, reste l’un des grands moments de ma vie au cinéma. C’est évidemment un film d’une importance capitale sur le plan historique, mais c’est aussi une œuvre immense et un choc intellectuel dont on a forcément du mal à se relever.
  • SONGS: OHIA The Magnolia Electric Co : Je me souviens d’un concert incroyable dans un bar de Valence, l’Oasis, au printemps 2005, il me semble… Jason Molina et son groupe étaient là, entassés au fond du bar. Ils avaient livré, ce soir-là, un concert vraiment exceptionnel. Deux ans plus tôt, cet album avait été une vraie révélation pour moi. A l’époque, je suivais déjà Songs: Ohia depuis quelques disques, mais The Magnolia Electric Co avait complètement changé la donne. Le son était devenu très imposant, l’écriture plus fluide et très marquée par l’héritage de Neil Young et du Crazy Horse. Quant à Jason Molina, il était littéralement transfiguré. Je pense que c’est un disque qui restera comme un classique. Son public deviendra plus nombreux avec les années…
  • Coffret JACQUES ROZIER : Bien sûr, Rozier a toujours été en marge du reste de la Nouvelle Vague, mais je pense sincèrement que Adieu Philippine dit plus de choses sur son époque qu’un film comme À bout de souffle (ce qui, bien entendu, n’enlève rien au génie et à la modernité de ce film), par exemple. Je pense que, sur son premier film, au moins, Rozier était le plus mûr et le plus accompli des cinéastes de la Nouvelle Vague. Ensuite, le reste de sa filmographie est à la fois incontournable et complètement hors norme dans le cinéma français.
  • THE BEACH BOYS Pet Sounds sessions : J’aurais pu choisir l’album, puisque c’est un de mes disques préférés… Mais là, comme il fallait choisir des objets particuliers, j’ai opté pour le coffret des sessions, car il a l’avantage d’avoir été dédicacé par Brian Wilson, à l’issue d’une interview que j’avais faite en 1998, chez lui, à Los Angeles, pour le compte du magazine Rock & Folk. C’était mon premier reportage pour eux et disons que ça reste, forcément, un souvenir assez incroyable.
  • Les “Unes” de LIBERATION : Je fais sans doute partie de la dernière génération qui aura eu l’habitude de suivre l’actualité en achetant un quotidien quasiment tous les jours. Et, pour moi, ce quotidien était Libération. Ce livre sur les grandes “unes” de Libé est fascinant, car il rappelle à quel point les grands titres de presse ont su accompagner l’Histoire, la vie et l’évolution de la société. Evidemment, cette culture des “unes” s’est complètement perdue avec le développement des médias en ligne. Mais, disons que, chez Libé plus qu’ailleurs, ces “unes” avaient vraiment de la gueule !
  • Conte d’automne d’ERIC ROHMER : Pour moi, Rohmer est l’un des auteurs les plus importants de la Nouvelle Vague. Mais ce qui me frappe le plus chez lui, c’est que son cinéma est devenu de plus en plus passionnant, au fil du temps. Je pense que ses meilleurs films, en tout cas ceux que je préfère, ont été tournés entre le milieu des années 80 et la fin des années 90. C’est un cinéma subtil, très écrit, mais aussi remarquablement mis-en-scène, ouvert sur le monde et qui donne le sentiment qu’on peut parfaitement tourner de grands films avec très peu de moyens. Dans sa filmographie, j’aime beaucoup Le Rayon vert, L’Ami de mon amie et les contes des quatre saisons. Et, parmi ces derniers, Conte d’automne est peut-être celui que je préfère.
  • Itinéraire d’un ciné-fils de SERGE DANEY : Pour les cinéphiles de ma génération, la diffusion de ces entretiens dans les derniers mois de la vie de Serge Daney a été un événement marquant. Déjà parce que le document était, en lui-même, hypnotisant (Daney parlant seul dans le cadre, pendant plus de trois heures) et très émouvant (puisqu’on le voit déjà très affaibli par la maladie), mais aussi, bien sûr, à cause de leur qualité exceptionnelle. Naturellement, il y aurait beaucoup à dire sur lui, sur son histoire, sur ses combats… Souvent, je repense à ce qu’il écrivait sur l’évolution du cinéma et de la télévision, à l’époque (c’est-à-dire, bien avant le Loft et la télé-réalité), et je pense qu’il aurait été terrifié par ce qu’on peut voir actuellement (Mommy, Les Petits mouchoirs ou les dérapages de Zemmour analysés par Serge Daney, ça aurait valu le détour).
  • Le HITCHCOCK / TRUFFAUT : Ce livre a complètement changé ma vision des films d’Hitchcock et, plus globalement, du cinéma. Je ne suis pas spécialement fan de Truffaut comme cinéaste, mais son héritage critique et son œuvre de “passeur” restent incomparables. Et la filmographie d’Hitchcock est évidemment incontournable pour moi. D’ailleurs, dans cette photo, ce livre prend un peu la place de films comme Vertigo, North by Northwest ou Psycho.
  • KAREN DALTON It’s So Hard to Tell Who’s Going to Love You the Best : Je crois que ce disque est celui que j’ai le plus offert. La personnalité de Karen Dalton est évidemment fascinante à cause de son intransigeance, de son intégrité artistique, mais aussi à cause de cette voix exceptionnelle qui, inévitablement, rappelle celle de Billie Holiday. Cette histoire prendra bientôt une place un peu plus importante dans ma vie, puisque je m’apprête à sortir, en compagnie de la dessinatrice Ana Rousse, un roman graphique en noir et blanc sur la vie de Karen Dalton dans les années 60. Le livre paraîtra début 2017 chez Sarbacane.
  • Muriel ou le temps d’un retour d’ALAIN RESNAIS : J’adore les premiers Resnais. A première vue, on pourrait penser que Muriel est moins expérimental qu’un film comme L’Année dernière à Marienbad, mais je me demande si, au fond, il ne l’est pas tout autant. Bien sûr, il est plus narratif, mais le scénario écrit par Jean Cayrol est plein de trous, de non-dits et d’ellipses, à tel point que le récit et les personnages finissent toujours par vous glisser entre les doigts. Le montage de Resnais est hallucinant, aussi… En fait, c’est un film très vivant et très inventif sur des thèmes complètement angoissants et morbides comme la mélancolie, la dépression… Pour moi, c’est vraiment l’un des plus beaux films du cinéma français.
  • KRIS KRISTOFFERSON Kristofferson: Comment ne pas être fan de ce mec ? Il a écrit des chansons exceptionnelles (“For the Good Times”, “Help Me Make It Through the Night”, “Me and Bobby McGee”, etc), il a joué dans des films comme Heaven’s Gate, Bring Me the Head of Alfredo Garcia, Pat Garrett & Billy the Kid… Bref, sa carrière parle pour lui. Mais ce disque, son premier, est un chef-d’œuvre. Là encore, il s’agit d’un album qui m’accompagne depuis plus de vingt-cinq ans…
  • Seinfeld: Je suis complètement intoxiqué avec cette série. J’ai dû voir la plupart des épisodes cinq ou six fois chacun, George Costanza et Cosmo Kramer sont deux de mes personnages préférés au monde et je crois qu’il n’y a pas beaucoup de situations de la vie que je ne relie pas, spontanément, à des situations de Seinfeld. Bref, c’est génial !
  • LEONARD COHEN Songs from a Room : Mes parents avaient ce disque, donc je peux dire qu’il m’accompagne depuis l’enfance et que ses chansons ont, fatalement, une résonance très lointaine pour moi. Sinon, bien entendu, il s’agit d’un album fabuleux qui contient certaines de mes chansons préférées comme “A Bunch of Lonesome Heroes” et “Story of Isaac”.
  • Five Easy Pieces de Bob Rafelson : Ce film m’accompagne depuis la fin du lycée. Bob Rafelson n’est pas un grand réalisateur, mais Five Easy Pieces résume parfaitement la mélancolie d’une certaine partie du cinéma américain des années 70 (Rain People de Coppola est aussi intéressant, de ce point de vue). Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais la vérité qui se dégage de chacune de ces séquences compense largement les faiblesses de la mise-en-scène. C’est aussi l’un des meilleurs rôles de Jack Nicholson. D’ailleurs, la fin du film a plus ou moins servi de base au scénario de The Passenger d’Antonioni. Ce n’est pas rien…


Cédric Rassat
Mars 2016

Plus d’informations sur Cédric Rassat :
www.facebook.com/cedric.rassat

My essentials for Stereographics by Cédric Rassat
© Cédric Rassat / All rights reserved / Reproduction prohibited without permission of the author