Centredumonde (aka Joseph Bertrand)

Mes Essentiels pour Stereographics par Joseph Centredumonde

 

 

LES ESSENTIELS DE CENTREDUMONDE (AKA JOSEPH BERTRAND)

Une paire de lunettes
A l’approche de la cinquantaine, il m’est devenu impossible de voir de près sans lunettes, et donc de lire des livres. Curieusement, et même si la littérature est ma passion première, voire ma passion primordiale (enfant, je me voyais écrivain, paisible, dans mon bureau, conquérant le monde à coups de phrases alambiquées et de points de vue éclatants), cette contrainte nouvelle m’a définitivement coupé l’envie d’ouvrir un livre, d’autant plus que j’ai lu tous les livres que je voulais lire, et que l’acquisition d’une puissante culture littéraire (oui, j’ai vraiment TOUT lu) n’a fait qu’élargir le fossé intellectuel entre moi et le monde, qui se passe si bien de moi et de littérature.
Pour l’anecdote, j’ai payé cette paire de lunettes de la marque Andybrook – sise à Maisons-Alfort – assez chère, à cause d’un vendeur super sexy (il ressemblait à Adam Driver) dont je voulais me débarrasser au plus vite, parce qu’en face de lui je ne me sentais pas du tout sexy. Par ailleurs, je cherchais des lunettes tout à fait anecdotiques. Les lunettes, c’est comme les bagnoles et les montres, au-delà de leur aspect utilitaire, on envoie un message qui se résume à « Mes boules sont plus grosses que les tiennes » et moi, ça m’oppresse, les losers qui surcompensent.
Alors voilà, mes lunettes sont anecdotiques, voire moches, je ne les aime pas, mais après quelques mois passés à les apprivoiser, j’ai pu me remettre à lire, et en ce moment, je ne sais pas si c’est lié à ma florissante activité de chroniqueur musical pour A Découvrir Absolument, je dévore des biographies d’artistes qui parfois ne m’intéressent pas ou dont je n’ai pas écouté la moindre composition. David Bowie, c’est qui ? J’avais entendu dire, sans trop y croire, que vers la cinquantaine on laissait tomber la fiction pour des horizons plus concrets, ouvrages d’histoire ou d’économie, pourquoi pas. Ceci dit, quand j’étais plus jeune, je ricanais en m’imaginant écouter, à un âge avancé, du jazz, un verre de brandy à la main, en tapotant du pied, ce genre de truc, bah c’est pas près d’arriver. Ce que je veux dire, c’est qu’en vieillissant, on ne peut pas tout abdiquer.

Une manette de Playstation 5
Chaque été, je m’affronte, frôle la folie et en sort (je l’espère) grandi. Quand mes enfants sont en vacances, je reste à Paris, je ne fais rien, je ne vois personne. Le soir ne m’attendent que la solitude, les bières et les saucisses Knackis. Alors, jour après jour, je sombre dans une apathie protectrice, je suinte du cerveau, je fonds, je me laisse dégouliner jusqu’à l’exécration de moi-même. Mon appartement devient Shutter Island, on ne sait plus qui préserve qui de quoi, j’écris et compose en vain tant et tant que je me perds de vue : invariablement, les jeux vidéos me permettent de me raccrocher aux branches.
En 2023, Dysmantle : on casse des objets, on fabrique des trucs et on castagne des zombies, tout en se demandant ce que l’on fout là, jusqu’à ce que [spoiler] l’on comprenne que c’est à cause de nous que le monde est devenu un buffet Flunch. Bon, Dysmantle est anecdotique et la grande majorité des jeux vidéos s’adressent à un public de demeurés, mais depuis l’enfance je joue régulièrement et je peux sans honte affirmer qu’à toute époque il existe des chefs-d’œuvre vidéoludiques. Il s’agit d’un art total – narration, design, graphisme, musique, etc. – susceptible de vous embarquer pour un voyage à durée indéterminée. L’année dernière, j’ai passé une bonne centaine d’heures à me promener dans les rues de Night City, la ville futuriste de Cyberpunk 2077, ou bâtir dans Minecraft un château souterrain situé à l’intérieur d’un pont géant. J’ai conscience des impérities d’une industrie qui produit autant de merdes que leurs congénères hollywoodiens (les scénarios des jeux Ubi Soft semblent écrits par les mêmes idiots qui œuvrent pour Amazon et Netflix), mais je conserve au fil des décennies une grande tendresse pour ce média, au point de lire des magasines de retrogaming et de suivre certains Youtubeurs, dont el famoso Joueur du Grenier, l’infâme Sheshounet et, surtout, l’attendrissant Edward – son émission Rétro Découverte est un régal.

Paquet de spaghettis
Simple : hormis quand les enfants sont chez moi, je ne mange que des pâtes et des saucisses Knackis. Les Knackis, je carbure à deux paquets par semaine. Dîner de roi, environ 200 grammes de pâtes au beurre saupoudrées de parmesan râpé (un demi-sachet), quatre Knackis noyées dans de la sauce algérienne et, un peu plus tard, une ou deux glaces. Je pensais qu’avec le temps j’allais me lasser des Knackis mais à chaque repas je me régale, vous m’entendriez, je m’extasie. Ceux qui me connaissent savent.
Par contre, en vieillissant, je me suis lassé de certains trucs, comme les bonbons, les pizzas, le pain, la junk-food, tout ce qui donne soif, quoi. La clé, c’est l’hydratation, donc je cartonne sur les fruits et les crudités. Ah ah, je rêve, je diserts sur mon rapport à la nourriture, passionnant ! Quelques monomanies disparues en raison d’overdoses : les sauces au pesto, les bulots, les pizzas couvertes de pâtes. Bon, vous vous posez la question, je vous réponds : je mesure 1,84 mètres et pèse 79 kilogrammes. Oui, pas un pet de graisse, sans JAMAIS faire de sport. La vie est injuste mais sachez que mon sport à moi, c’est l’anxiété, l’angoisse métaphysique et la panique mentale, de bien particuliers coachs en fitness qui vous traînent de force à la salle de gymnastique, on s’en passerait, hé hé.

Peinture d’un chien
Depuis que j’ai divorcé, au début des années 2010, j’ai une vision très claire de moi dans le futur, vision certes rébarbative (on m’a déjà fait remarquer que mon projet n’était pas très inclusif – je veux dire, ne laisse pas de place au couple), mais réjouissante, à tel point que j’ai presque hâte d’être vieux. Imaginez : moi, assis devant un petit chalet, en haut d’une montagne, à ma gauche un gros chien, à ma droite une bouteille de vin rouge, et dans la main un fusil de chasse, et dans le chalet pas grand-chose, peut-être un ordinateur et une guitare, et surtout la possibilité de me faire exploser le crâne quand je le souhaite, histoire de finir en beauté, comme ce bougre d’Hemingway. Ou de Kurt Cobain. Ah, ça fait moins rêver. Et puis avant de me fourrer le canon d’un fusil dans la bouche, il faudrait que je mène la vie d’Hemingway.
Pour l’instant je suis plus proche d’un personnage secondaire de Michel Houellebecq, misère et néant à tous les étages. Le chien a vraiment existé, la porte aussi, il s’agit d’une toile peinte par mon grand-père paternel, dans son atelier en Bourgogne. Je pourrais évoquer l’environnement socio-culturel dans lequel j’ai grandi, qui me paraît intéressant car bigarré et structurant mes névroses tout autant que mes centres d’intérêts, mais ce matin j’ai un peu la flemme. J’attends qu’un technicien passe pour réparer mon chauffe-eau et enfin prendre une douche, parce que depuis cinq jours je ne dispose que d’eau froide, ça me tape sur le système.
Revenons-en à cette peinture, que je trimballe depuis années, qui n’est pas représentative de l’œuvre de mon grand-père, et que j’aime beaucoup, parce qu’au delà des couleurs chaudes, avoir un chien dans mon salon m’apporte un certain réconfort. Il y a des soirs où je suis bourré alors je me dis « Mec, pourquoi tu t’achèterais pas un chat ? » et je trouve l’idée absolument géniale, d’autant plus géniale que mes enfants seraient aux anges. Heureusement, je dessaoule puis me rappelle que je déteste les chats et encore plus les célibataires avec chats, les pires losers du monde. Bref, je me contente de mon basset hound posé sur l’étagère, pas besoin de le sortir trois fois par jour, ni de passer l’aspirateur sur le canapé ou de me sentir obligé de partager ma côte de bœuf avec lui, mon basset hound, je l’aime comme il est et on attendra le futur pour en acheter un vrai, ainsi qu’une cave à vin et un fusil.

Deux canettes de Heineken
Comment gérer quand on est un poivrot, mode d’emploi. J’aime boire beaucoup, beaucoup, beaucoup de bières et rien à foutre de la bière en elle-même, je ne suis pas un homme de goût, non, je suis un homme de volumes : entre quatre et cinq litres de bière industrielle (j’oscille entre Heineken et 1664) me permettent de rester conscient tout en profitant de la débandade de mon esprit. Des heures durant j’écris, je compose, j’écoute de la musique, je danse dans mon salon, je note de magnifiques idées qui finiront à la poubelle, j’échafaude des plans (foireux) sur la comète (en feu), je parle tout seul, je débats, je me dispute, je me raconte des blagues que je ne connais pas, je ris, définitivement je suis mon meilleur pote. Je passe toujours un excellent moment en ma propre compagnie.
Quand je suis rassasié, c’est à dire arrivé à mon pic d’ivresse (entre quatre et cinq litres de bières, même si record à sept litres – pour le vin rouge, c’est quatre litres), je n’ai plus du tout soif, mais super faim, alors je me jette sur un truc copieux qui va éponger l’alcool, comme une boîte de conserve de lentilles à la saucisse ou une montagne de pâtes. Ensuite, je range mon appartement, je me brosse les dents et me couche, il est rarement tard (entre 23 heures et minuit), je dors comme une souche et le lendemain je me sens juste un peu vaseux. Pas de quoi fouetter un viking.
Le truc, avec l’alcool, c’est que ce n’est pas assez valorisé. Je veux dire, on devrait admirer un type qui s’envoie cinq litres de bière tout en écrivant des chroniques musicales ou enregistrant des (excellentes) chansons puis au bureau le lendemain assure comme un ouf. Les gens devraient dire « Putain, c’est Centredumonde, c’est un dieu de la liche, j’aimerais tellement atteindre son niveau ». Les gens devraient me jalouser, mais non, quand j’évoque mon ivrognerie, je sens bien que ça me décrédibilise. Taper dans un ballon, croire en un dieu, se pimper le corps à coups de tatouages dégueulasses, c’est admirable, mais picoler, non. C’est n’importe quoi.

Une mandoline
Au travers de cette mandoline, achetée (cassée) (donc pour une bouchée de pain) dans une ruelle de Prague en 2003, vaguement réparée à Brest, on pourra analyser mon rapport étrange à la musique et aux instruments, et peut-être faire la promotion de « Ubac », le nouvel EP de Centredumonde, que je trouve très réussi, car super triste, il va vous péter le moral, si vous en avez marre d’être heureux, n’hésitez pas, écoutez Centredumonde, ce type est glauque, ce type est marrant, ce type est… bref. Soupirs.
Mon rapport à la musique, c’est compliqué : je me considère comme un musicien patate, dans le sens où je joue et chante comme une patate. Ma carrière de musicien patate commence dès l’enfance, je chantais si faux qu’on me donnait de l’argent pour que je me taise. Nan, j’exagère. Mais je dois admettre qu’en matière de guitare et de piano je vivote sur les deux trois trucs appris durant mon adolescence : certes, j’aurais pu progresser, et je me dis souvent que c’est gâché de n’avoir pas appris à réellement jouer d’un instrument, et que ce n’est pas trop tard, je peux m’y mettre dès à présent, mais voilà, il y a la mort. La mort depuis toujours me freine. Elle susurre à mon oreille : pourquoi prendre la peine de te lancer dans un projet dont tu ne verras peut-être pas l’issue ? Pourquoi apprendre quelque chose maintenant, à ton âge, tandis que je me rapproche de toi et que tu ne pourras récolter les fruits de tes efforts ? Pourquoi désirer si fort quelque chose qui assombrira ton passé : as-tu envie de te lamenter et soupirer sur le temps passé perdu à ne rien faire ? Vous voyez, la mort est une saloperie qui me parasite littéralement. N’agis pas, tu peux crever n’importe quand. Et moi je lui obéis.
Alors certes, j’enregistre des chansons, mais c’est une question de format, quand je me débrouille bien, c’est rapide. Alors qu’un roman, ça me demanderait une année entière, je suppose. Évidemment, avec le temps j’ai trouvé une parade : si tu dois mourir en chemin, fais en sorte que ce soit dans le sens de la marche. Mouais, je sais, ça n’aide pas vraiment et, jusqu’à mon dernier jour, je resterai un musicien patate. Quant à la mandoline, j’ai rapidement appris à en jouer, on peut l’entendre sur certaines chansons des 2000s, elle a un son pourri (comme toutes mes guitares) et, oh mais quelle surprise !!!, bah aujourd’hui, je ne sais plus en jouer.

Partition de Songs Of Love And Hate
Leonard Cohen, c’est le gars qui m’a fait comprendre qu’un texte de chanson devait raconter quelque chose et, à ce titre, Famous Blue Raincoat est un modèle du genre : le mendiant musicien de Clinton Street, Jane et la mèche de cheveux, la rose entre les dents, le rapport ambigu au destinataire de la lettre, etc., il y a une mise en scène en clair-obscur, avec une tension sous-jacente et des non-dits tout aussi parlants que l’explicite, ouah, le nain de Montréal place la barre très haut. Cette partition appartenait à mon père, j’ai mis le grappin dessus dans ma jeunesse et depuis la conserve précieusement. Elle est couverte d’annotations, surtout des transcriptions d’accords à la guitare, puisque je ne lis (évidemment) pas le solfège.
Pour en revenir à l’écriture des textes, je n’ai pas de chapelle. J’ai constaté que, la plupart du temps, les gens s’en foutent, des textes. Il ne les écoutent pas, ou pas vraiment, ce qui fait que vous pouvez vraiment écrire n’importe quoi, et tant qu’à écrire n’importe quoi, vous pouvez écrire un truc qui vous fait plaisir et dont vous serez fiers ou qui vous parle et vous touche vous en premier lieu. Bah oui, si on n’est pas soi-même touché par ce que l’on écrit, ça n’a aucun sens. Il m’arrive de verser des larmes d’extase quand je me relis, tant mon texte est beau et puissant et lumineux. Bah non. Parfois j’écris des textes bouche-trous, comme tout le monde, parfois je ne sais pas de quoi je parle ni à qui je m’adresse, parfois je suis content mais le seul sur terre à m’admirer, pas grave. Par contre, pendant longtemps j’ai pensé que le choix du titre d’une chanson, c’était important. Un titre qui claque, ça fait envie, non ? Voici une liste de chansons de Centredumonde dont les titres claquent au vent comme un étendard de pirate mal luné : « Quand je t’embrasse dans la rue, j’ai peur de marcher dans la merde » / « Le jogging sociabilise les obsédés sexuels » / « Un hiver de merde » / « L’alcool, la clope et le moisi » / « Tout le monde a raison, tout le monde est con ». Convaincus ? Moi non plus. Et donc, désormais, je me fiche aussi bien des textes que de leurs titres.

Un flacon de parfum
J’aime bien sentir bon. Je veux dire, sentir un parfum qui sent bon. Parce que je sais que des tas de gens trouvent que Axe ou Scorpio ou Paco Rabanne, ça sent bon. J’ai été surveillant dans l’internat d’un lycée professionnel : au petit matin, les mecs se vaporisaient du Axe sur la bite avant d’aller en cours, persuadés d’augmenter leur pouvoir de séduction. Moi, c’est Égoïste, de Chanel. C’est discret et le nom me parle. L’égoïsme, c’est un de mes défauts que je tolère le plus. Il y a que l’égoïsme sert souvent de prétexte à un autre qui se montrera plus égoïste que vous : puisque tu ne veux pas aller dans mon sens, tu es égoïste.
A une époque, mon frère cadet travaillait chez l’Oréal et nous envoyait des colis de parfums gratuits, principalement du Armani et du Hugo Boss. J’aimais bien, même si je ne suis pas le public cible de ces marques frimeuses. Ensuite, vers 2016, une chouette girlfriend m’a offert un flacon de L’Homme, d’Yves-Saint-Laurent : j’ai réussi à le faire durer bien après la fin de notre relation, je culpabilisais un peu de profiter de sa générosité quand bien même elle avait oublié que j’existais. Il y a quelques mois, je suis revenu vers Chanel, comme s’il s’agissait de retrouver des sensations de jeunesse perdue, ou une terre que vous avez arpentée de long en large. Vu que je ne sors plus de chez moi, ce flacon va durer mille ans.

Une paire de bottines marron
Plusieurs centaines de principes régissent mon existence, dont : « Les chaussures en cuir à lacets, c’est pour les enfants ». En conséquence, vous ne me verrez jamais chaussé autrement qu’en bottines, sauf quand j’en ai rien à foutre et que je porte des baskets de merde. Un principe sans exception n’a aucun charme. Il y a quelques années, j’ai acheté aux galeries Lafayette deux paires de bottines de la marque française Kost, une paire en cuir noir, une paire en cuir marron, dont je suis très content, même si on se situe sur le bas du milieu de gamme. Récemment, elles m’ont lâché mais j’ai pu compter sur un formidable cordonnier de la rue Saint-Denis (Cordonnerie Rétro by Michael) pour les sauver.
Au delà du plaisir que j’ai à porter des bottines en cuir, se pose la question de mon apparence, que je trouve bien trop relâchée à mon goût : il y a que je suis pauvre, paresseux et ne dispose que d’une garde-robe réduite. A une époque, c’était Kenzo, Zadig & Voltaire ou The Kooples, hop un divorce passe par là, et vous vous retrouvez à errer entre H&M, Zara et Mango, la lose.
Flemme d’essayer de bien se fringuer, puisque c’est perdu d’avance. Je me contente de ressembler à ce que je suis socialement, un bureaucrate semi-pauvre sans excentricité ni qualité esthétique particulière, brioche de pré-cinquantenaire, cheveux rares et dentition trouée, la perle rare, quoi. Ouais, je ne suis pas ce genre de type qui donne le change, comme les blaireaux qui tentent d’adopter les codes des nouveaux riches, costumes cintrés mais trop cintrés, dans une matière dégueulasse, montres en toc, chaussures brillantes en faux-cuir ciré au Baranne, lunettes de soleil en permanence, débit heurté, ce genre de tocards qui pullulent sur Youtube et vous abreuvent de conseils supposés vous enrichir. Mec, si tu étais aussi pété de thunes que tu le prétends, tu ne posterais pas chaque jour des vidéos sur les réseaux sociaux. Coucou Jean-Pierre Fanguin et sa mythique « La question, elle est vite répondue » ! Ceci dit, quand j’y pense, les connards déguisés en rockeurs, qui veulent à tous prix que l’on comprenne qu’ils sont rock’n roll dans leurs têtes, que ce soit par le langage ou l’apparence, je les exècre tout autant. En fait, de manière générale, j’aime pas les gens qui se décryptent trop facilement, dont tout le corps crie une identité et des préférences culturelles dont je me contrefous, comme s’ils se baladaient en permanence avec sur le dos une pancarte publicitaire vantant leurs propres mérites : le capitalisme appliqué à l’échelle individuelle, pas ma tasse de thé.

Un 45-tours de Centredumonde
La première trace discographie de Centredumonde : un vinyle quatre titres publié en 1998 par le label brestois Les Tartines, qui m’avait laissé une carte blanche totale et n’a pris connaissance des morceaux enregistrés qu’une fois les disques pressés. J’en ai dessiné la pochette, elle est moche mais dans l’esprit de l’époque, où malgré le massacre commis par la FNAC et autres bourreaux du vinyle (qui aujourd’hui se prétendent garants de ce format tout en vendant des galettes à quarante euros – je les hais), les petits labels, et pas seulement en musique électronique, parvenaient à exister au travers d’un maillage de listes de diffusion et de fanzines.
Ce disque a été suivi par quelques CD et cassettes audio, mais depuis 2020 je me contente de diffuser mes chansons via Bandcamp et de les proposer en téléchargement gratuit, en assurant une légère promotion sur Facebook – j’ai consulté les statistiques de ma page Bandcamp : 12 500 écoutes, réparties sur 143 morceaux. Ouais, mine de rien je suis prolifique, mais il y a pas mal de démos datant des âges glorieux, quand je vivais à Brest, grosso modo entre 1998 et 2004. Je me dis que le gratuit, c’est éthique, à une époque où la culture ne subsiste que grâce à l’argent public, et où des types tels que Pascal Bouaziz chouinent parce qu’ils galèrent à vivre de leur art, et que c’est pas juste, et qu’en plus le public c’est des méchants parce qu’ils n’écoutent pas Pascal Bouaziz. Je ne supporte pas ce genre de discours : mon pote, tu galères à vendre ta musique, bah fais autre chose. Plus généralement, l’intermittence, c’est un scandale. Les mecs n’ont aucun complexe, pour justifier de vivre aux crochets de la société. Entendu mille fois : « Ouais, tu comprends, sans intermittence il n’y aurait plus d’art et alors le peuple n’aurait plus accès à la culture et alors ce serait le fascisme. » Ah ???
Pour ma part, je prévois de fêter mes cinquante ans de la manière suivante : sélectionner mes dix chansons préférées de Centredumonde et faire presser un beau vinyle que j’adresserai gratuitement aux cent premières personnes qui le souhaiteront. Et non, pas de crowfunding, le crowfunding, c’est tricher : le fric sortira de ma poche. Ce qui à vue de nez me laisse deux ans pour économiser et dilapider deux mille euros. See you soon en 2025 !

 

Joseph Bertrand
Mars 2024


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centredumonde1.bandcamp

Mes Essentiels pour Stereographics par Joseph Bertrand
© Joseph Bertrand / Tous droits réservés / Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur

Nicolas Taglang

Mes Essentiels pour Stereographics par Nicolas Taglang

 

LES ESSENTIELS DE NICOLAS TAGLANG

“Je ne comprends toujours pas d’où est sorti Joy Division.” (Tony Wilson)
Je ne sais pas comment j’ai eu Still vers l’âge de 12 ou 13 ans, je ne l’ai pas acheté, c’est une certitude.
Qu’est-ce que c’est que ces disques ? Cet album m’a longtemps impressionné, adolescent je l’écoutais
uniquement quand j’étais sûr d’être absolument seul. Presque 40 ans plus tard, Ceremony doit être la chanson que j’ai le plus écouté, que ce soit par Joy Division ou New Order.

J’ai un souvenir très vif de Changes à l’âge de 4 ou 5 ans. J’ai cette photo de Bowie depuis des années,
trouvée dans un livre, elle sert de pochette au 45t Golden Years.

Je ne suis pas Beatles, plutôt Stones, surtout Kinks. Je connaissais le groupe, leurs chansons, mais je
les avais un peu oublié, c’est ma fille qui les a remis sur mon chemin.

Quand j’ai découvert les Smiths, c’était presque terminé, et je dois bien avouer que leur séparation
m’est passée un peu au-dessus de la tête, je n’avais que 14 ans au moment des faits. Hatful of hollow
c’est la Bible.

J’ai gardé cette vieille compilation d’Otis Redding alors que j’ai à peu près tout de lui. C’est le seul qui
me fait regretter de ne pas être né bien avant pour le voir sur scène.

Quelques mois après sa sortie Bone Machine m’a vrillé les oreilles dès la première écoute, aux
premières secondes, ce premier coup de caisse claire est un séisme. J’aime tout ou presque ce que
fait Frank Black avec les Catholics, les Pixies ou en solo. Dans un registre un peu différent du gueulard
à guitares, écouter son Honeycomb est un véritable remède personnel.

J’écoute de plus en plus de musique classique, je me laisse guider par l’instinct, la chance, selon ce
que je trouve dans les bacs d’occasions. Je suis incapable d’en parler. Je sais juste que quelques uns
me font un bien fou à l’âme. Ces concertos de Mozart par Radu Lupu et la voix d’Alfred Deller sur les
Leçons de ténèbres de Couperin en sont les meilleurs exemples. Ces musiques qui traversent le temps en continuant à émouvoir ont quelque chose de rassurant.

Je sortais du service militaire, à côté de Brest. Je ne voulais plus entendre parler de cette ville, et
parmi les premières chansons que j’entends il y a Non Non Non sur Boire. Depuis j’achète les albums
de Miossec, aveuglément, affectueusement. Ses chansons m’accompagnent, certaines illustrent ce que
j’étais, ce que je suis.

Les Inmates n’ont rien de romantique, c’est pourtant durant le concert gravé sur ce disque qu’avec ma
douce nous nous sommes embrassés la première fois.

Ce portrait de la petite sainte appartenait à ma grand-mère maternelle. Il était accroché dans le lavoir
où elle travaillait. Je l’ai récupéré à sa mort, je ne l’aurais laissé à personne d’autre.

Mes béquilles : la sangle qui porte mon bras pour qu’il ne balance pas, la plaquette de cachets pour
atténuer les douleurs permanentes. Et un sac, indispensable dans mon cas, celui m’a été offert par ma
fille au retour d’un de ses voyages.

Je suis très amateur de nouvelles, de gens comme Marc Villard ou Léo Henry, d’auteurs de polars ou
de SF, mais Raymond Carver est vraiment au-dessus. Je me sens parfois tellement proche de certains
livres, certains albums, de certaines œuvres, qu’ils deviennent des personnes à mes côtés.
Ce petit Bartleby, si discret, est bien plus qu’une nouvelle ou un personnage, cette sensation d’être
toujours à côté, illégitime, m’est coutumière.

Je me suis souvent demandé comment je réagirai si à l’instar de Françoise Frenkel je me retrouvais
ballotté par les tourments de l’Histoire. Elle a tout le monde contre elle, les allemands parce que
francophile, les français parce qu’allemande. Elle sait ce qu’est se démener pour avoir une petite
place.

La vie mode d’emploi, toute une œuvre et tant de vie(s) possible(s) dans ce seul livre de Georges
Perec ; j’aurai tout aussi bien pu choisir Albert Cohen et sa Belle du seigneur ou 4,3,2,1 de Paul Auster,
je retourne régulièrement vers ces trois romans, pour quelques pages ou quelques chapitres. C’est
comme retrouver de vieux amis.

Les livres sur la musique sont l’occasion de creuser autour d’un sujet, d’un genre ou d’un groupe, d’un
album ou d’une chanson, de resserrer l’écoute et d’approfondir. J’aime le recul procuré par l’écrit. Je
ne suis plus autant avide de nouveautés musicales, je suis toujours un peu l’actualité grâce à une
poignée de sites internet et surtout grâce à des amis virtuels qui sont de véritables vigies.

Il en manque, Tony Joe White, Marianne Faithfull, Sammi Smith, Lambchop, Chris Eckman, Wedding
Present, Another life de Nadine Khouri et Veedon Fleece de Van Morrison. Jean-Patrick Manchette
pour toute son oeuvre, les récits de Mario Rigoni Stern, Franquin et ses Idées Noires, le Cycle de Hain
d’Ursula K. Le Guin. Et d’autres tas de disques et piles de livres encore. J’y ajouterai volontiers un
bermuda, une paire de tongs, une chemise hawaïenne et une casquette, ma tenue préférée, mais la
photo n’est pas assez grande.

Et puis il manque ce qui ne tient pas sur une photo, la mer que j’ai la chance infinie de contempler
chaque jour, la vie virtuelle, Dalva ma chienne.

Nicolas Taglang
Février 2024


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Mes Essentiels pour Stereographics par Nicolas Taglang
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Julie Konieczny

Mes Essentiels pour Stereographics par Julie Konieczny


LES ESSENTIELS DE JULIE KONIECZNY

“ Questionner l’Essentiel, pour une matérialiste comme moi, c’est une tâche intimidante. Je sais bien que l’essentiel est invisible mais l’essentiel est concret, l’essentiel ne s’attend pas, il se crée, l’essentiel n’est pas pudique, il se vit. L’essentiel ne s’espère pas, il se convoque. Et quand il est parti c’est la misère. J’ai toujours eu l’essentiel. Voilà ce que je me dis, alors ce qui m’intéresse c’est comment le rendre beau et mieux encore : le rendre beau en équipe, ce qui est à la fois un luxe et la moindre des choses quand on a la chance d’avoir … l’essentiel. 

La main – ce livre d’illustrations par Philippe Dupuy a une histoire puissante. Ayez la curiosité de la découvrir. Elle donne beaucoup de force.

L’outil – l’humain a ceci de grandiose qu’il fabrique des outils pour la main qui forge au quotidien l’essentiel mais aussi des œuvres inutiles et enivrantes. 

L’ivresse – c’est un autre terme pour la joie. N’ayant pas une immense propension au bonheur,  je partage volontiers le vin qui rend gai et je trouve parfois autant de spiritualité dans un repas que dans un musée.

L’esprit – Ce texte infernal de Malcom Lowry m’accompagne chaque été depuis longtemps et je le lis exclusivement à l’occasion de mes vacances, quelques pages par jour sur une plage bretonne (idéalement). L’incertitude de le terminer un jour me convient très bien. “


Julie Konieczny
Février 2024


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Steve Saari

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LES ESSENTIELS DE STEVE SAARI

Re-evaluate when necessary. Case in point, these brass frog bookends. Even though they were a gift from my father, honestly, we were less than excited at first. Brass? Frogs? But shortly after we got them, we were invited to a celebrated art director friend’s apartment, which was not only one of the most creatively, surprisingly, and wonderfully decorated spaces we had ever been in, it was home to the identical set of brass frog bookends, placed proudly on one of his shelves. After seeing them in this dazzling context, we not only abandoned the idea of getting rid of them, but they’ve also followed us everywhere we’ve been since and will probably be with us to the end.

Maintain perspective. I dug up this petrified oyster shell when we were doing some gardening. At 8 ½ inches long and nearly 2 pounds, this is no ordinary oyster shell. The island we live on is world famous for its shells. In fact, it is comprised mostly of shells, which have worn down over the years to form the land we now live on. I took this shell to our local museum, where they informed me that it is likely from the Cretaceous period (145 to 66 million years old). Now this crustacean-cum-rock is a constant reminder that we cocky little hominids are just a very small part of a very old story.

Same as it ever was. I came of age in the Walkman/cassette era, which, unlike vinyl, has not nor probably ever will, enjoy a renaissance. They were hissy, prone to distort in hot car interiors. But we quickly learned they were a great way to assemble and share playlists. The mix tape was often a treasured gift, shared hopefully, sometimes nervously. And received gratefully, often joyously. I still have mix tape buddies, some of the same friends I shared cassettes with. We share digitally almost exclusively now but keep it to the same 15-20 song format that the 60-minute running time of the cassette once dictated. Regardless of the format, it’s still one of the most fun ways to engage.

Keep an open mind. My wife found this title in a used bookstore, attracted at first by the cover. But she soon discovered it was among the most arresting, moving memoirs she’d ever read. “You’ve got to read this,” she said. “I know it sounds like a children’s book, but it’s really quite amazing.” She was right. This book is amazing. Quite unlike any other memoir you will ever read. In fact, it was (not surprisingly) republished shortly after we found our old, used copy, and even turned into a one-woman play with Linda Hunt.

Action! With these Beats Pro earbuds and my iPhone (insert devices of your choice here) I can score and sequence all the scenes, moments, and ever-changing locations that make up the movie of my life, which unfortunately I won’t get to see until the end – and probably much too fast to really enjoy – but hey, the soundtrack’s been great so far.

Cultivate friends with taste. Back in the mists of 2001 here in the U.S., almost no one knew anything about Shack. One who did was a good friend of mine whose sister had moved to the U.K. and introduced us to them. Hearing them was like love at first sound. We kept thinking “they’re going to be huge over here”. But they never were. In fact, they weren’t nearly as big in their native England as the music ought to have made them. But they kept plugging along, polishing, and adding to their mystique. By the time of Here’s Tom with The Weather, they were one of our all-time favorite bands. This release might be my favorite Shack album, but it’s hard to pick a favorite. Like most who have been featured on Les Essentials, I have a long, very diverse and ever-growing list of music that I love and that has become a part of my life. It’s hard to pick one artist or album to represent that love. But this is as good as any.

It’s only natural. My parents discovered me at age two drawing wild circles in crayon on their new hardwood floors. At first outraged, but gradually intrigued, my dad brought reams of copy paper home from work and spread it all over the room and let me squiggle to my little heart’s content. The drawing never really stopped. Not in all the classrooms at school (where a teacher caught me making a caricature of him, then paid me for it after class and said he would frame it). Not even in my job as a writer, then creative director at various ad agencies. During lockdown, I picked up this Winsor & Newton watercolor set and began to work almost exclusively in color. It has become therapy. A daily ritual. And although I’m not especially good and have no real motive other than to make marks on paper, it’s become an essential part of my life.

A romance as only Michael Powell and Emeric Pressburger could imagine it. Starring Wendy Hiller as the headstrong Joan Webster, who leaves England to marry an older, wealthy industrialist on the isle of Kiloran in the Scottish Hebrides. A determined plan that unravels when unforseen events, and a dashing young naval officer, intervene. This film so captivated Martin Scorsese’s long-time editor Thelma Schoonmaker that she made a pilgrimage to all the locations of the production, then met, and ultimately married the film’s director, Michael Powell. Who says romance is dead?

Nothing says love like a robe your wife has sewn with her own hands just for you. Especially when you had impulsively bought two and a half yards of vintage Hawaiian fabric – only to learn it was not nearly enough to turn into a robe unless you were, say, a toddler. And you had bought the last two and a half yards of that vintage fabric on earth. Only then do you discover how kind, resourceful and creative your wife is – when with utter determination she finds some complimentary fabric and turns what would have been a nice, if somewhat ordinary robe into something a Hawaiian king or perhaps, a Samurai warrior might sport. There’s heroism in the littlest things sometimes.

Although I reside in a place that boasts some of the world’s most spectacular sunrises, I am not a morning person. I need help. Yorkshire Gold is my drug of choice. One cup and I am functional. Two cups and I am ready for adventure. Even if that adventure is only at the end of a laptop keyboard.


Steve Saari
Janvier 2024


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Mes Essentiels pour Stereographics par Steve Saari
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Jean-Michel Dufour

LES ESSENTIELS DE JEAN-MICHEL DUFOUR

Mes essentiels concernent principalement la musique, la lecture et la peinture mais certaines expériences, endroits ou paysages sont également sources d’inspiration ou de plaisirs simples.

Mais entrons directement dans le vif du sujet !

Côté musique, deux groupes, pourtant assez différents, ont bercé ma jeunesse et continuent toujours de m’accompagner. Les points qui pourraient toutefois les relier sont un leader charismatique et l’absence (malheureusement) de succès auprès du grand public. Mais disons le direct, j’ai toujours eu tendance à tomber fan de groupes ou d’artistes assez confidentiels…

Coté pop hexagonale, Lili Drop reste le groupe qui m’a le plus marqué tant par le talent d’Olive que par l’originalité de ses textes et de sa musique. J’ai eu la chance de les voir plusieurs fois en concert (Casino de Paris, Olympia, Point FMR, …) mais mes plus beaux souvenirs resteront l’interview que j’ai faite du groupe backstage lors d’un concert à Clichy  et le fait d’avoir pu jouer sur mon propre piano le morceau « Paulo », extrait de l’album N, après avoir fait la demande de la partition à l’éditeur Clouseau Musiques. Pour illustrer Lili Drop, j’ai choisi comme objet essentiel la merveilleuse biographie du Groupe intitulée «Le soleil noir du rock français » rédigée par Jean François Jacq, livre truffé d’anecdotes et de souvenirs et toujours à portée de mains et d’yeux pour des relectures enthousiasmantes et émues !

De l’autre côté de la Manche, j’avais jeté mon dévolu sur un groupe pop emmené par un chanteur excentrique mais oh combien doué, j’ai nommé le Jazz Butcher aka Pat Fish ! Tout m’attirait dans ce groupe, la musique et ses mélodies pop à souhait, les paroles des chansons parfois loufoques et les pochettes de disques tellement originales ! Et quand Pat pouvait entonner quelques tubes en français (la mer, notamment), j’étais aux anges ! J’ai vu ce groupe une dizaine de fois en concert, et mon souvenir le plus marquant restera ces improbables concerts solos dans la cave du Troupeau, bar aujourd’hui disparu du 14ème arrondissement de Paris. Je me rappelle l’affiche bricolée à la main et cet escalier étroit menant à la cave du bar ou Pat y avait notamment interprété « Lost in France », micro tube parmi tant d’autres ! Maintenant, je me déplace à Londres pour voir jouer Pat et son groupe, à mon plus grand plaisir, dans l’attente d’une date parisienne que je n’ose plus espérer… mon essentiel reste le CD/LP « Fishcotheque » dédicacé par Pat himself !

Pour conclure sur la musique, j’évoquerai également Chet Baker, sa voix et sa trompette. Je ne compte plus les CD et LP de Chet que j’ai achetés et il ne se passe pas une année sans que je ne me procure telle ou telle réédition. Restera gravé ces deux soirées au New Morning peu de temps avant la catastrophe d’Amsterdam ; je me revois dans la rue des Petites Ecuries m’approcher d’un Chet tenant sur un fil et pouvoir échanger quelques mots avec lui. J’ai toujours préféré les disques live en jazz, et c’est pour cela que j’ai choisi « Memories, Chet Baker in Tokyo », calme et plénitude assurés.

S’agissant de peinture, je fonctionne plutôt au feeling, n’y connais pas grand chose et apprécie tout particulièrement l’art moderne. Mon artiste préféré est Jean Michel Basquiat. J’avais déjà pu apprécier ses œuvres dans des expositions à Paris et une fois au Musée de Brooklyn, mais je me rappellerai très longtemps d’un court séjour à Rome. En effet, en se baladant nous avions découvert dans les rues une petite affiche de Basquiat annonçant à priori une expo de l’artiste. Après plus d’une heure et demie de marche, nous étions arrivés dans un vieux quartier et devant la Chiostro del Bramante, qui accueillait donc cette expo, pas anodine, puisque plus de 100 pièces étaient exposées dans ce lieu atypique, si beau et si calme. Cerise sur le gâteau, seuls quelques touristes avaient pris le temps de s’y arrêter pour apprécier en toute quiétude ces formidables ouvres d’art. J’ai choisi comme essentiel le catalogue de l’exposition « JM Basquiat – New York City » ainsi que le flyer de l’expo.

Côté paysages et grands espaces, mon essentiel se trouve dans le Finistère Sud, le tout dans un petit périmètre avec grande ouverture sur l’océan, je cite la Pointe de Sainte Marine et son Phare. Je suis tombé amoureux de ce site grâce à mon épouse, originaire de ce havre de paix. Je m’y rends souvent à pieds ou en vélo, en famille ou seul. J’aime m’assoir sur un banc et regarder la mer et les bateaux qui prennent la direction des Iles Glénan. J’ai du prendre le phare des milliers de fois en photo mais les objets que j’ai choisis sont une photo encadrée et une petite maquette que j’ai achetées et que je conserve soigneusement.

Last but not least, j’ai également un faible pour les lampes, les montres et les horloges. Pas grand-chose d’autre à en dire sauf qu’aucune de mes montres et horloges n’est à l’heure et qu’elles avancent toutes d’environ 10 minutes. Petite anecdote, l’abat jour de la lampe retenue sur la photo est en voile de bateau recyclée.

Jean-Michel Dufour
Septembre 2018

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Rita Zaraï

LES ESSENTIELS DE RITA ZARAÏ

Parler de ses propres essentiels est quelque chose de particulièrement effrayant en ce qui me concerne. Notamment à cause de la lourde tâche de préparation : il faut trier, sélectionner, organiser, chercher une cohérence, une cohésion. En théorie, je suis familère de ce genre d’exercice, lorsqu’il ne ME concerne pas. Ce qu’il faut savoir c’est que je suis quelqu’un de particulièrement dispersée. Ranger n’est pas forcément quelque chose de naturel pour moi.

Le soir même j’ai commencé à rassembler les objets. Je me suis donc retrouvée avec une montagne de livres. Une redécouverte plus qu’intéressante pour moi-même. Donc merci déjà pour cela.

En toute honnêteté je n’ai pas trop su par quoi commencer, alors j’ai fini par m’arrêter à la sélection la plus restreinte possible, et déjà je trouve qu’il y en a bien trop !! J’ai disposé ces objets à plusieurs endroits de l’appartement, afin d’essayer de prendre la photo la plus avantageuse, la moins brouillonne possible. Sacré challenge.

Commençons par le début. Enfin, décidons de façon arbitraire qu’il s’agit du début de l’histoire, car sur la photographie ce n’est pas forcément évident.

Le téléphone
J’ai pris des notes sur mon téléphone. Il ne figure pas sur la photo puisqu’il m’a servi à la prendre. Cela commence bien n’est ce pas… J’en suis esclave. Consciemment. Il me sert à peu près à tout. J’écris, je fais des photos, des recherches, des images, je regarde des vidéos, j’écoute de la musique. Bref sans cette chose j’imagine que je serai perdue, car il s’agit clairement d’un doudou destiné à combler l’angoisse. Il remplit le vide et mon esprit. Je suis une hyperactive molle. J’ai peur de m’ennuyer. Je fais cinquante choses à la fois. Je me passionne aussi vite que je me lasse. Je parlais de doudou, en fait je crois que cet appareil me fait plutôt office de baby-sitter ainsi que d’animateur de loisirs. Le casque je l’ai toujours avec moi. Pour écouter de la musique, notamment lorsque je marche.

La musique
Évidemment, si je devais choisir un groupe emblématique cela serait New Order. Ce groupe m’accompagne depuis 25 ans, avec plus ou moins de fidélité. J’en fait une source d’inspiration pour à peu près tout dans ma vie : je m’inspire de leur iconographie , je les ai tatoués sur mon bras, Substance est le titre de mon blog, je vénère Barney plus que n’importe qui dans ce bas monde, bref : l’abominable fanatisme au premier degré dans toute ce qu’il a de plus risible. Mais j’assume complètement. Je pourrais parler de Joy Division aussi, ou d’autres groupes qui ont participé à ma construction personnelle. Mais le but n’est pas d’écrire un roman je crois. Quoi qu’il en soit, la musique est importante, elle a constitué d’ailleurs pendant de longues années l’essentiel de mon activité professionnelle. Acquérir, conseiller, échanger : tel était mon quotidien pendant assez longtemps, au sein d’une médiathèque municipale.

La musique m’a permis aussi de rencontrer, virtuellement et «IRL» des personnes d’une énorme valeur. La plus importante rencontre sur le réseau social est sans conteste celle avec Matthieu Malon. De cette amitié est née Brûlure. Un projet poético musical déjanté (s’il fallait le définir) orchestré à des centaines de km de distance. J’écrivais les textes, les enregistrais, les envoyais, il faisait la musique. C’était drôle. Un vrai bon moment.

En musique les querelles de clochers me dépassent un peu… les discussions sérieuses, les gens qui s’écharpent comme si leur vie dépendait de la conversion du monde entier au fanatisme qui les concerne, je ne pige pas trop. Mais j’aime m’en amuser. Quelle perte de temps franchement, alors que tout le monde sait que le meilleur groupe du monde est New Order!

Les images
J’ai commencé par faire vaguement de la photo. Ensuite, temps libre disponible à l’infini aidant, je me suis prise de passion pour la gravure et la sérigraphie, suite logique finalement lorsqu’on aime les images. Mes photos sont essentiellement réalisées à partir de mon téléphone, mais depuis peu j’ai un « vrai » appareil. Je n’ai aucune idée de la manière dont fonctionne la bête. Je fais ça au hasard. C’est ce que je dis tout le temps, j’ai le hasard avec moi. Et je le remercie de m’accompagner en toutes circonstances. Cette photo de l’Atomium de Bruxelles est la première que j’ai faite développer et affichée dans mon intérieur. C’est un morceau de ma ville natale qui trône bien en évidence.

Les publier ces images a été une véritable épreuve pour moi. J’ai créé donc un blog, Instagram m’occupe pas mal en ce moment. Tout cela je le dois particulièrement à Matthieu qui a su m’encourager et me filer un coup de pied au cul. J’ai commencé avec les pochettes de Brûlure en fait. Et maintenant je continue….

Les livres
A la base, c’est mon métier. Je crois que ceux qui m’ont le plus marqué sont ceux que j’ai lu plus jeune. Mon principal problème, c’est que je ne me souviens pas toujours de ce que j’ai lu. En fait la plupart du temps j’oublie. Les deux ouvrages que j’ai choisis ont été lu bien plus récemment.

Je voue une admiration sans failles à Houellebecq dont les livres résonnent en moi comme une évidence. J’ai vraiment l’impression que le type écrit pour moi, il y a une connexion. En plus je le trouve terriblement drôle. L’humour c’est tellement important.

J’ai aussi choisi Blackhole de Charles Burns. C’est une bande dessinée d’une noirceur absolue, un vrai chef d’œuvre qui pour moi doit absolument figurer dans tout bonne bibliothèque.

Le reste….
La couture, la cuisine, les jeux vidéo, les lunettes que je ne mets jamais (j’aime le brouillard), le petit livre rouge (clin d’œil à mon soi-disant militantisme fantasmé d’extrême gauche) et Sainte Rita. Cette fameuse sainte est à l’origine du pseudo que je traîne depuis quelques années sur Internet. Elle est la patronne des causes désespérées. Attention, je ne m’attribue absolument pas la qualité du désespoir. En revanche, être la patronne, c’est une idée qui me plait bien.

Rita Zaraï
Mai 2018

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Colline Gaspard

LES ESSENTIELS DE COLLINE GASPARD

« Mes Essentiels » ? Oh ! J’ai tellement d’objets autour de moi ! Des trouvailles, des cadeaux, de belles pièces, uniques, vintage ou à l’inverse tellement kitch !!! Des cartes, un ruban, une boite, un lapin blanc comme peluche d’enfance, une poterie, un serre-livres, une boule à neige, une tasse à thé, des montres jamais à la même heure, un truc gagné à une fête ou un autre trouvé quelque part… De jolies choses qui me relient à une personne, un moment particulier, une histoire.

Mais « Mes Essentiels », c’est un objet avec moi, un prolongement de moi, et pas seulement autour de moi. Des Essentiels dans le creux de ma main…

Un couteau, des couteaux. Non pas pour me défendre, mais au contraire pour apprivoiser mon inconnu. Vérifier si la cuisson du gâteau est bonne, trancher un morceau de pain, couper du fromage et du saucisson (évidemment !), cueillir un champignon à son pied, décacheter l’enveloppe d’une lettre, tailler deux lettres enlacées… La lame est tranchante, affûtée régulièrement. Le bois est cajolé. J’aime leur couleur et leur essence, différentes de l’un à l’autre, tellement singulières. Le Genévrier est mon préféré. Dans la paume, il y a toujours sa signature, la fragrance épicée du poivre. Sa couleur sable est douce et sensuelle. Chez Nous, offrir une pièce en échange d’un couteau comme cadeau est la promesse de ne pas se faire mal et de ne jamais couper le lien.

Du papier et beaucoup de carnets ! Du papier et ses textures, lisses, velours, gaufrées ! Des carnets de tous les formats, avec une couverture confectionnée par mes soins ou déjà toute de beau corps vêtu !!! Des carnets pour coucher des phrases, décrire une scène quotidienne ou entr’aperçue, reporter un mot que je ne connais pas. Du papier pour coller ! Ce carnet (Oh ! Un Cacharel !) est le cadeau que m’avait offert mon meilleur ami de troisième. Il devenait un trésor qui perdure encore aujourd’hui puisque j’y colle tous mes tickets de cinéma depuis… 1988 !!! Je suis indéniablement une enfant de la télé. Mais aussi du cinéma. Mon père avait plaisir à m’y emmener. Un plaisir que j’ai toujours dès que deux trois heures s’offrent à moi. J’ai une affection toute particulière pour les films du Nouvel Hollywood, les Westerns, mais aussi les Thrillers et les Comédies Classiques. Le cinéma m’a permis de découvrir la musique qui pendant très longtemps a été absente de mon quotidien. Enfant du silence peut-être. Celui qui regarde et se tait.

Du papier aussi pour couper et plier ! L’Origami est un amusement certain, mais qui a l’exigence du pli ! C’est fantastique toutes les créations qui naissent d’une seule feuille de papier ! Avec mon frère, gamin d’un an de différence (mais toujours la plus grande je resterai !), nous avions chacun nos pliages de prédilection : lui les grenouilles pour faire des courses comme d’autres en faisaient avec des automobiles, moi des carrés magiques pour connaître les préférences de chacun ! Aujourd’hui, j’en fais toujours, comme les diseuses d’aventure, mais pour n’en distribuer que de bonnes…

Du papier et des crayons de papier !!! Il y en a plein. Et j’en ai plein ! C’est facile de rapporter cela d’un voyage ! Les choisir ? Un plaisir ! Ils sont coquets avec leur costume. Avec le crayon papier, le mot est toujours là, le croquis aussi. Les détails viennent après. En juin 2018, une librairie mettra en vitrine quatre ou cinq toiles d’un projet personnel intitulé « Synesthésie27 » où il est question de liens. D’empreintes. Indicibles. Mais sensibles.

Des allumettes. Pour prendre le temps d’allumer une bougie, de faire un feu, de brûler l’inutile…

Un livre, et d’autres à l’infini… Compagnon de l’enfance, où j’étais souvent seule à me balader dans la campagne avec mon chien, ou de l’adolescence passée avec enthousiasme en internat, il est indispensable. Il est un Ailleurs, un exutoire, un confident de confidences, un recueil de ce que je ne connais pas, un puits profond à sonder, encore et encore…

Un centimètre. Pour mesurer, créer, vérifier. Mesurer la distance parcourue aussi. Le vocabulaire associé à la couture est tellement élégant « Lisière » « Entre-deux », « Coudre en mourant »… Des expressions délicates comme le travail de précision que demande cette discipline pour une belle confection. Des couleurs et des matières aussi.

Un jeu de 54 cartes et une toupie ! Un jeu de 54 cartes pour toutes les possibilités de jeu improvisées avec les poteaux ou les enfants, sur la plage ou dans un train, à l’heure de l’apéro ou pendant les temps calmes. Une toupie car cet objet est magique ! Il est comme un globe terrestre sur son axe ! Son mouvement rotatif impose une véritable réflexion et dextérité pour celui qui veut en créer !!! Des formes et des matières, encore… Celle-ci, je l’ai dégotée sur un marché. Une toupie à bar pour savoir qui offre sa tournée. Enfin, c’est selon la règle imposée ! Et puis une toupie me ramène toujours à la fin de ce film « Inception » de Christopher Nolan (dont je vénère « Interstellar ») : rêve ou réalité ?

Un harmonica. Indéniablement, mon essentiel le plus récent de tous. Comme tous les ados qui se respectent et qui se moquent gentiment de leur « daronne », il m’a été offert par mes enfants. Des années 2001 et 2002, la country et tout le folk qui entourent cet objet leur sont bien inconnus malgré toutes mes tentatives de séduction ! C’est un bijou. Celui du voyageur. Et puis l’idée que ces conquérants le rangeaient dans leur poche, côte à côte avec leur colt, c’est « so lovely » !!! L’instrument de tous ceux qui ont en eux une nostalgie façonnée par la quête, l’espoir, le trouble, le manque. Des musiques comme celles de Townes Van Zandt, Gene Clark, ou de bien autres songwritters porteurs d’une beauté grave…

Les plis. C’est abstrait et tellement présent ! Ceux des rideaux, des étoffes, d’une couverture, d’un foulard. Rien n’est linéaire. Rien n’est certain. Il y a des cachettes. Mille et un chemins pour y accéder. Des coins et des recoins. Je suis certaine qu’il est encore question de lapin blanc…

L’appareil photos, le téléphone portable, l’ordinateur sont des outils incontournables dans mon travail. Dans presque tous les métiers d’ailleurs. Savoir les maîtriser, connaitre leur fonctionnement, en user régulièrement sont devenues des attitudes indispensables. Mais ces objets ne le sont pas dans mon quotidien personnel.

Je range tous ces essentiels dans mon sac en cuir ou dans un panier en paille.

Il fait beau ! C’est bientôt le Printemps accompagné de la caresse câline du soleil ! J’attache la bride de mes escarpins salomés (les boots et les bottes sont réservées à l’automne et à l’hiver), du rouge « Paris », « London » ou « Roma » aux ongles (comme une vraie « déclaration de bonne humeur »), et me voici en route ! Il y aura bien une terrasse ou un coin au chaud pour se retrouver.

Sandrine
En Auvergne, IV’18…


“Price”, quelques pages plus loin :  “Au seuil de la mort, je ne penserai pas au yacht que j’aurais pu m’acheter : je penserai aux régions inexplorées, aux amours que je n’ai jamais avouées, à toutes les émotions et idées que j’ai encore en moi et qui disparaîtront quand on me mettra six pieds sous terre. Vous n’avez qu’une chance pour cette chose qu’on appelle la vie”.
Steve Tesich, mai 1996

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David Cairat

LES ESSENTIELS DE DAVID CAIRAT

“J’ai choisi d’introduire chacun de mes essentiels par un extrait de chansons qui me tiennent à cœur et qui expriment à leur façon le sens ou l’importance que ces essentiels revêtent à mes yeux, un peu comme des haïkus musicaux.”

Ma pile de livres rock
“Our aspirations… are wrapped up in books”.
Extrait de: “Wrapped up in books” par Belle and Sebastian, sur l’album: “Dear Catastrophe Waitress”.

“Écrire sur la musique, c’est comme danser (sur) de l’architecture. C’est quelque chose de très stupide.”  Cette phrase attribuée à Frank Zappa m’a toujours interpellé. Comment (d)écrire l’indicible : la ligne de basse de Joy Division, le motif d’une fugue de Bach, ce moment dans le concert qui te prend aux tripes ?  Qu’elles soient écrites avec passion, bonne ou mauvaise foi, maladresse, en quelques lignes sur un blog ou dans une exégèse de centaines de pages, je ne me lasse pas de lire les émouvantes tentatives de ces auteurs, modernes Sisyphe au service de la cause musicale.

Mon horloge vinyle
« Le temps me laisse passer, je lui dis : après toi”.
Extrait de : « Après toi », par JP Nataf sur l’album : “Clair”.

Cet objet chiné à Londres est au croisement de deux de mes obsessions, le temps (ou plutôt la ponctualité) et la musique.  Je cours tout le temps pour être à l’heure. J’arrive non pas à l’heure pour le concert. Non pas à l’heure pour la première partie du concert. Non pas à l’heure pour l’ouverture des portes de la salle. J’arrive avant l’ouverture de la salle. Et j’attends. Patiemment. Remplacer “salles de concert” par (au choix) : gare, aéroport, cinéma … Ca fait des années que ça dure.

Mon chat
“Chat, Petit fauve, Dieu des alcôves”
Extrait de : « Chat », par Brigitte Fontaine sur l’album : « Les Palaces ».

C’est le plus récent de mes essentiels. Il s’est imposé à la vitesse de l’éclair. Une belle bête avec boîte à miaou intégrée et moteur à ronron en parfait état de marche.

Mon DVD de Phantom of the Paradise
“Dream a bit of style. We’d dream a bunch of friends. Dream each others’ smile. And dream it never ends”
Extrait de : « Faust », par Paul Williams sur la Bande Originale du Film.

Un essentiel qui intersecte plusieurs de mes passions : cinéma américain des années 70, rock, comédies musicales et modernes mythologies (Faust, Dorian Gray, Fantôme de l’Opéra). Baroque et inépuisable.

Ma machine à café
“Hope the morning coffee does the trick. Hope it clears my mind, makes the day more worth it”.
Extrait de: “Hymn for the coffee”, par Hefner, sur l’album: “Breaking God’s heart / Hefner Soul EP”.

Hefner … What else ? Cette chanson d’un de mes groupes cultes m’évoque mon addiction irrémédiable à la caféine. Depuis des années je ne peux me passer ni de l’un ni de l’autre.

Mon alliance
“This is a man’s world … but it would be nothing without a woman”.

Extrait de: “It’s a Man’s Man’s Man’s World”, by the Godfather of soul évidemment.
Le reste du texte de cette chanson m’a toujours semblé très macho mais la rédemption vient par cette phrase magique. Alors comment mieux conclure ces essentiels qu’en évoquant ma famille, et en particulier celle qui m’est essenti’elle ?

David Cairat
Avril 2018

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Lonny

LES ESSENTIELS DE LONNY

“Tout le secret du bonheur du Contemplateur est dans son refus de considérer comme un mal l’envahissement de sa personnalité par les choses”
Francis Ponge, Le parti pris des choses

Ma bague au Quartz Rose
J’ai un rapport assez mystique aux bijoux, surtout ceux avec des pierres. Je les choisis scrupuleusement selon les propriétés que je leur invente.

Une photo de mon enfance
J’ai trois ans dessus. J’ai le regard très perdu et très au courant à la fois. Je me salue régulièrement, comme pour préserver quelque chose de cette époque.

Alto
Il est Québécois. C’était l’alto de mon prof, François.
Je crois que cet instrument et son propriétaire m’ont tous les deux ouvert une porte vers la musique…Quelque chose qui a à voir avec la simplicité et la respiration. Je crois que c’est crucial, pour que la musique fasse son chemin jusqu’au bout.

« Legolas », mon Lierre du Jura
Mon amie Romane, avec qui je partage un certain goût pour les plantes et du Seigneur des Anneaux, m’a offert ce petit Lierre qu’elle a récupéré dans la forêt à coté de chez elle. Elle l’a appelé Legolas, évidemment.

Mon Guita-lélé
Parce que c’est un cadeau et qu’il n’y a rien de plus beau que d’offrir son instrument à quelqu’un. C’était à Reims, et il neigeait. J’ai promis à son propriétaire de lui jouer « Two Silver Tree » de Calexico.

Un 33 tours « Songs for Young Lovers » de Franck Sinatra.
(Attention, c’est triste)
Ce disque m’a été offert par mon ex amoureux.
Il devait être 20h00 et il me l’a offert en sortant des ballades sonores, où il l’avait trouvé. C’était touchant, car le titre ressemblait un peu à nous deux qui étions un jeune couple de 22 et 19 ans.
Puis, un coup de fil nous a brutalement sorti de notre bulle toute rose. Un coup de fil de ma copine Léa qui me demandait si ça allait, car j’habite rue de Charonne, et que nous étions le 13 novembre 2015.
La douche froide.
Ce disque est mon symbole de cette période, de l’innocence et la naïveté dans laquelle nous vivions, et que j’essaie de toujours garder avec moi, malgré les épreuves. Je crois que c’est très précieux.

Carnets
Je passe mon temps à me balader avec des carnets. J’écris ma vie, celle des autres, des listes et des paroles de chansons. J’en ai pleins, je passe mon temps à en re-commencer. 
Leur désordre ne me dérangent pas. Ils suivent un peu mes humeurs, mes fuites et mes aventures.

Vahinée qui danse.
Elle est mon indicatrice de beau temps, puisqu’elle danse au soleil.
Je l’adore. Je l’ai trouvée à Barcelone, dans un aéroport.
Et elle danse bien mieux que moi.

Les Rideaux en coton
Ma caverne. Du tissu qui m’a couté un bras au marché Saint-Pierre, et qui forme un baldaquin autour de mon lit. C’est une protection imaginaire monumentale.

Just Kids, dédicacé par Patti Smith
Pour mon adolescence, pour mes premières émotions à écouter quelqu’un chanter sur une scène. 
J’avais 15 ou 16 ans quand « Just Kids », le livre de mon idole est sorti. A l’époque, j’étais la baby sitter de Adam, qui ne devait pas avoir plus de 1 an. On peut dire qu’une certaine amitié s’était formée entre lui et moi, alors je l’emmenais partout. Ce jour là, je l’ai emmené à l’« Arbre à Lettre » ou Patti Smith faisait des dédicaces. Elle m’a regardée avec la même douceur que celle qui l’habite depuis toujours, et m’a dit qu’Adam était vraiment très mignon « he’s really cute » avec une voix très grave. Puis elle nous a dédicacé mon exemplaire, à lui et moi. Depuis, ce petit objet est la preuve que nos dieux font bel et bien partie de la réalité.

Ma Collection de porte-clé forcée par Florian.
Parce que c’est petit jeux un peu machiavélique et plein d’amour entre mon ami Florian et moi.
En retour, je le force à faire une collection de verres à shots.

Lonny
Mars 2018

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Theo Hakola

LES ESSENTIELS DE THEO HAKOLA

Il s’agit d’une guitare – une Fender Jaguar – et trois affiches.

Je suis très attaché aux Fenders – Stratocaster, Telecaster, Mustang… all of them. C’est la chaleur tranchante et le corps dans le SON qui me touchent, qui me pénètrent. Cet attachement fenderien est sans doute pour quelque chose dans mon amour de Hendrix (vu à l’âge de 13 ans – mon premier concert de rock – à Spokane dans l’état de Washington) et du groupe new yorkais Television, deux amours aussi forts que jamais aujourd’hui. (Et sur cette guitare, il y a l’autocollant d’un bar du nord de l’Idaho – THE SNAKE PIT – qui a donné le titre V.O. de mon dernier roman, sorti en traduction française sous le titre “Idaho Babylone” chez Actes Sud en 2016).

Quant aux trois affiches… Je n’étais pas formé pour faire de la musique. J’étais plutôt éduqué pour faire de la politique, formé comme organisateur en 1972 par la campagne de George McGovern (contre Nixon), puis employé à plein temps par la U.S. Committee for a Democratic Spain à New York au milieu des années 70. Depuis le temps, et après tant de déplacements, j’ai perdu beaucoup de choses et même pas mal perdu l’attachement aux choses, mais je suis content d’avoir encore ces trois affiches.

Celle de gauche est une réédition des années 70, par les Industrial Workers of the World (IWW), d’une gravure sur bois de l’époque de la Première Guerre mondiale : “Appelés de tous les pays, unissez-vous ! Vous n’avez rien à perdre sauf vos généraux !” Mon grand-père, lorsqu’il était bucheron dans les années 20, était membre de ce syndicat.

La deuxième affiche – “Pyramid of Capitalist System”, également des IWW – est la reproduction d’une classique qui date de 1911. Et en haut, à gauche, on trouve une petite réclame pour le journal The Industrial Worker – “Foremost Exponenent of Revolutionary Industrial Unionism” – publié à Spokane, ma ville natale, et dont l’abonnement annuel était d’un dollar.

Et pour la troisième… Avant de me mettre à faire de la musique en 1980, ma vie tournait plutôt autour de l’Espagne. À Barcelone, pendant l’été de 1976, j’étais surpris de trouver une affiche citant “l’Internationale” – publiée, je crois, par le Partido del Trabajo – en vente au grand jour dans un kiosque sur las Ramblas. La transition démocratique post-franquiste avançait lentement, mais sûrement, et on n’avait bientôt plus besoin de moi. Par la suite, c’était grâce aux liens humains et politiques que j’avais avec ce pays, qu’on a invité mon premier groupe – Orchestre rouge – a jouer deux soirs au Rock-Ola à Madrid en pleine movida (1982).

Theo Hakola
Janvier 2018

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