Henri Rouillier

My essentials for Stereographics © Henri Rouillier
“Quand je pense à Henri, je pense à deux vitres rondes et deux yeux qui ont le courage de se mouiller en parlant de ce qui leur est sacré. Pour beaucoup d’entre nous, le silence est d’or, mais quand on a la chance de voir à travers les yeux d’Henri, on voit des trésors partout. Ils sont rares ceux qui arrivent à nous ramener des choses de l’inconnu, ceux qui nous donnent envie de creuser. Henri en fait partie. Je ne le connais pas si bien, mais je sais déjà que je pourrais partir en long voyage avec lui. La première fois que je l’ai rencontré, il m’a parlé de Dominique A de Jean Fauque et de voyages en Islande, tout ça avec des larmes dans les yeux. Du coup, je les avais aussi. On trouve de ces éléments dans la liste qui suivra. On ne m’avait donc pas menti. Et puis l’espièglerie de ne pas parler de musique, même si c’est une des choses qu’il fait de mieux. (J’avais demandé à Henri d’écrire à propos de mon disque parce que je savais qu’il trouverait le mot juste. Je cherche encore comment lui manifester ma gratitude.) Nous nous voyons pas autant que nous le voudrions, mais je sais que nous avons quelques autres essentiels commun : une sorte d’obsession pour une certaine Laura Palmer, l’idée que la solitude n’est pas un fardeau et surtout, des dizaines de dizaines de morceaux qui nous font pleurer. Donc merci, Henri, pour les mots qui vont si bien à mon Tara. pour « Appointment in Samarra ». pour les éclats de rires en te lisant parfois, car tu me donne de l’espoir en les réseaux sociaux. pour trois fées du nord : Anna Ternheim, Anna B. Savage et Lisa Hannigan. pour playlist que tu m’as faite l’année dernière et que j’écoute encore régulièrement. pour m’avoir demandé d’introduire tes essentiels.” Lonny

LES ESSENTIELS D’HENRI ROUILLER

“Ainsi les objets parlent pour les hommes. Ainsi l’être et le coeur rallient sous cape des berges immobiles. Il est vingt heures dix-sept et ma vie, c’est du temps passé à raconter des histoires qui ne sont pas les miennes. Aussi, cette photo convoque une forme de vulnérabilité à laquelle je ne m’attendais pas.

Cadenas et mitaines. Après novembre 2015, Audrey m’a dit qu’elle avait peur de prendre les transports en commun. J’ai mis cette idée loin de moi, j’ai dit que j’étais au-dessus de ça. L’année dernière, je me suis offert un vélo. Depuis le mois de décembre, si j’en crois mon compteur, j’ai roulé 996,8 kilomètres. J’ai pris seize fois le métro. Je le sais parce que je fais des bâtons sur un post-it. On est peu de choses.

« Y Revenir », de Dominique Ané. Tout est là : « La peur est mon pays. Peut-on l’écrire au titre du lieu de naissance sur la carte d’identité ? Ça me dédouanerait de mon incapacité à être courageux. J’envie ceux qui le sont. Mais la plupart le sont naturellement : leur courage n’est pas le fruit d’une lutte intérieure, il ne leur coûte rien. Je ne peux qu’avoir le cran d’accepter ma faiblesse, et d’en payer le prix, la peur, en espérant qu’elle suscite l’indulgence, et que les autres me laissent passer. »

Passeport. Il existe, il y a une issue.

Ordinateur. Ce matin, Louise m’a demandé ce que je ferais si je devais changer de métier. J’ai répondu que j’ouvrirais une salle de concert, que j’y mettrais des livres, de la bière et des gens sympathiques. Mais la vérité, c’est qu’en dehors d’écrire, je ne sais pas faire grand chose. Je ne veux pas faire autre chose.

Converse framboise. « Ce sont de bien belles chaussures, jeune homme », a dit l’homme à son ami, avec tout le dédain du monde. Il portait un costume ainsi que deux gros classeurs sur lesquels j’ai lu : « Gestion des comptes publics ». Nous étions dans l’ascenseur d’un bâtiment d’université et notre homme n’a pas pensé une seule seconde que je puisse enseigner ici. Ces Converse framboise, c’est ainsi que je débusque la bêtise sans faire aucun effort.

« Villa Triste », de Patrick Modiano. Il faut lire ce livre pour tout ce qu’il dit de l’admiration, des désillusions et du temps que l’on perd à ne pas s’aimer suffisamment.

Liseuse. Mon appartement regorge de bouquins qui s’entassent jusque sur la cheminée de ma chambre. Maintenant, je peux les mettre dans ma poche. C’est un secours de chaque instant.

Nintendo Switch. La toute première console que j’ai eue entre les mains, c’est une GameBoy rouge que mon frère et moi avons achetée à la Fnac d’Angers. Nous avons économisé pendant plusieurs mois pour parvenir à rassembler les 347 francs nous séparant d’elle. Dans le rayon, un rayon glacé m’a parcouru le dos quand je me suis rendu compte que nous n’avions pas prévu de budget pour acheter notre première cartouche. Depuis, je n’ai jamais cessé de jouer aux jeux vidéo. C’est un lien que j’ai avec mon frère Jean, certains de mes amis, mais aussi le moyen que j’ai trouvé pour interrompre le bruit du monde.

Clés. Je comprends depuis peu de temps le privilège que j’ai et l’importance qu’il y a à avoir des lieux à soi. Les murs m’incombent moins que les règles qui s’appliquent là où ils se font face. J’ai lu « Chez soi », de Mona Chollet. Depuis, j’ai laissé dans ma vie de l’espace pour la solitude.

Photos Polaroïd Mini. Islande, octobre 2014. Je vous souhaite d’être aimés par des gens comme Anne et Olivier.

J’ai laissé des espaces vides, pour les imprévus et ce qui reste à venir. Par ailleurs, sache que la musique est partout, qu’elle est tout ce que je suis. Mais je n’en ai pas parlé parce que sur une photo, on ne peut pas l’entendre.”

Henri Rouillier
Janvier 2018

Plus d’informations sur Henri Rouillier
www.facebook.com/henri.rouillier
http://tempsreel.nouvelobs.com

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